Le Roland-Barthes sans peine
de Michel-Antoine Burnier, Patrick Rambaud

critiqué par Béatrice, le 13 juillet 2008
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Fameux
Burnier et Rambaud identifient une dizaine de démarches pour travailler le texte à la manière de Roland Barthes : dédoubler les mots, déplier la phrase en télescope, gaver le texte, utiliser les truismes, obscurcir une expression en l’accompagnant d’une comparaison inadéquate etc. Sans oublier les trucs faciles comme « Moi-je » ou la surponctuation.

Gavez le texte, voici un exemple savoureux :
« En français prosaïque vous diriez :

1. J’ai de la peine à me lever le matin.

Traduisons mot à mot en Roland-Barthes :

2. Le jour pointe : supplice de quitter le lit.

Maintenant, sur cette structure « à la japonaise » (faux haïku), nous allons empiler de la ponctuation :

3. Le jour (se) pointe : « supplice » du quitter-le-lit.

Puis, en gavant successivement la phrase originale, en la faisant grossir, en la farcissant, on obtiendra :

4. Une autre (et toujours même) fois, le jour (se) pointe : « supplice » du quitter-le-lit.

5. Une autre (et toujours même/semblable) fois, le Jour se (désa)pointe : « supplice » quotidien du quitter-le-lit. Quand il était petit, il faisait la « grasse » matinée.

6. Une autre (et toujours même/semblable) fois, le Jour, mon jour, (se) (désa)pointe : « supplice » quotidien , torture cuisante du quitter-le-lit. Pour où le quitter ? Pour quel lieu non douillet ? Quand il était petit, il faisait, autant que permis/possible, la « grasse » (grosse ?) matinée ».

Guidée par Burnier et Rambaud, je me suis amusé à identifier « les mélanges incongrus » dans L’empire des signes. Ce sont des adjectifs ou noms abstraits associés aux noms concrets. « C’est là que réside la « poésie » du R.B. Le sens devient diffus et la pensée floue », révèlent Burnier et Rambaud. J’ai trouvé « la nourriture décentrée », « l’aération émotive », « le tremblement du signifiant », « la coulée du sens ».

C’est un petit bouquin d’une centaine de pages. La première moitié, rédigée comme un manuel avec exemples et exercices, recense les moyens. L’autre moitié, moins savoureuse à mon sens, est consacrée aux pastiches.

Sur Wikipedia : « On peut supposer que Barthes lut l'ouvrage [de Burnier et Rambaud] avec plaisir : quoi de plus agréable pour un déboulonneur de mythes que de se voir déboulonné lui-même (et donc ainsi reconnu) par ses disciples ? »