Mémoires des esclavages : La fondation d'un centre national pour la mémoire des esclavages et de leurs abolitions
de Édouard Glissant

critiqué par Feint, le 21 juillet 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Créole pluriel
A l’occasion de la fondation d’un "Centre national pour la mémoire des esclavages et de leurs abolitions", ce beau texte d’Edouard Glissant décline au pluriel – un pluriel bienvenu – ce sujet encore trop méconnu, au moins en France métropolitaine. J’aime particulièrement sa façon de penser le monde créole dans le monde, se répondant de part et d’autre des océans, de le voir comme un perpétuel mouvement, jamais figé, une beauté née de la rencontre, ou plutôt des rencontres – dont on n’oubliera pas les causes, sans réclamer rien d’autre qu’une reconnaissance.
En marchant dans la mangrove, entre deux lectures, je ne pouvais m’empêcher d’y voir la métaphore naturelle du monde créole, que d’ailleurs ici et là elle accompagne.

"S'il y a une raison de fonder un Centre national autour d'un pareil sujet, c'est-à-dire de cet esclavage-ci plus particulièrement, oui de cet esclavage-ci, africain, caraïbe, américain, transindien, européen, alors que nous savons que tous les esclavages sont également monstrueux et hors humanité, peut-être la trouvons-nous avant tout dans ceci qu'il a intéressé la plupart du monde connu à l'occident du monde, c'est-à-dire qu'il a établi un lien d'un ton nouveau entre pays et cultures, que ce lien, on a voulu le faire méconnaître, qu'il a brassé un nombre incalculable de beautés dans un nombre aussi incalculable de supplices, qu'il en est résulté la créolisation de ce grand pan du monde, créolisation aussi belle que sa démocratisation, qui a répercuté sur une partie de notre monde actuel et qui a fait que nous y sommes entrés, et qu'alors ce Centre doit être national parce que c'est là le meilleur chemin pour en démultiplier toutes les approches et toutes les résonances internationales."
Edouard Glissant