Un territoire fragile de Éric Fottorino

Un territoire fragile de Éric Fottorino

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jules, le 8 décembre 2000 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (25 008ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 7 276  (depuis Novembre 2007)

Une folle envie de prendre Clara dans les bras et l'aimer

Eric Fottorino est né en 1960 et a pour principal métier d’être journaliste au journal " Le Monde ".
Depuis 1991 il a déjà publié cinq romans et celui-ci est le dernier.
Dans " Un territoire fragile " il nous transporte en Norvège, à Bergen, où Clara débarque profondément blessée. Elle est française, jeune et belle. Bien qu'étant biologiste de formation, elle se présente à l'Institut Océanographique de Norvège. Elle y est engagée pour tenter de trouver le niveau zéro de l’océan au moyen d'un appareil, un marégraphe, qui leur arrive de Marseille.
Clara est partie pour Bergen à la vue d’une simple annonce d'emploi vue dans un journal. C'est fuir qui est son seul objectif, et le plus loin possible. Bergen lui semble le bout du monde et devrait donc convenir. Elle a beaucoup de choses à fuir, à commencer par elle-même !… Une mère plus que désastreuse : criminelle ! Un père faible, mais aussi un mari marocain qu'elle a épousé toute jeune, parce qu'il était beau, qu'il jouait très bien au tennis et qu'elle voulait partir de chez elle. Quitter sa mère était une nécessité de survie : celle-ci allait jusqu'à la battre à coups de fer à repasser chaud !
Mariée, elle part à Dublin où son mari la bat aussi, comme s’il jouait au tennis : un revers, un coup droit ! Il lui est impossible de fuir, car lorsqu'il quitte l'appartement il l’enferme. Jusqu'au jour où son père vient la voir et l’embarque dans un avion vers Paris.
Eric Fottorino ne nous livre pas tout cela en vrac. Il progresse par touches adroites, de pas en pas ? C'est Clara qui, à Bergen, fouille son passé et nous le livre par bribes. Elle est seule dans une ville inconnue et se met à boire pour se sentir mieux. Elle va y rencontrer deux personnages fabuleux : l'accordeur et le peintre Magnus Vog. Il ne s'agit pas d’un accordeur d'instruments de musique, mais bien du corps humain " J'accorde les muscles et les vertèbres comme un guérisseur de piano rend leur souplesse aux cordes martelées de la table d’harmonie. " Le peintre Magnus Vog, lui, est alcoolique, a été très connu, mais n'arrive plus à peindre depuis des années. Il obtiendra cependant de Clara qu'elle vienne poser nue pour lui dans son atelier. Elle ne demandera jamais de voir les tableaux, tant elle a son corps en aversion. Vog n’arrivera d'ailleurs jamais à la peindre au pinceau, mais seulement en appliquant directement les tubes de couleur sur la toile. " Elle lutte trop, elle est tellement dure. On ne peint pas un bloc au pinceau. " dira Vog plus tard à l'accordeur. Ses tableaux montrent chaque fois le corps de Clara avec une énorme blessure au ventre !. C’est là que sa mère avait collé son fer chaud. Clara, à un certain moment, dira : " D'un commun accord avec la mère, nous nous sommes séparées de corps. Ainsi je suis née. "
Tantôt Eric Fottorino fait parler Clara, tantôt c’est l’accordeur qui est le narrateur. Nous passons ainsi de la tourmente, du désespoir, à un homme calme, sensible et doux. Cela crée des rythmes différents dans le déroulement de l’histoire. L’accordeur nous explique Clara à sa façon, suivant ce qu’il sent par les mains, suivant ce qu'il voit de son corps. Il ne cherche qu’à comprendre, qu'à aider. On prie pour qu’il réussisse, tant on aime Clara ! La progression du récit est superbe. L’auteur nous donne des phrases clefs qui pèsent leurs poids, vous laissent à quia, blessé ou déchiré. Vous n’avez qu’une envie : pouvoir prendre Clara dans vos bras, l'aimer et, ainsi, l’aider à vivre. Vivre une vie de belle jeune femme, intelligente et sensible. Ces phrases clefs ont la précision de la haute chirurgie.
Un très beau récit, tantôt poétique, tantôt dur. Une écriture parfaite.
Un livre à lire.

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L'écorchée

6 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 13 septembre 2015

L'écorchée

Clara tente d'oublier les souffrances endurées ; ce mari possessif, violent, destructeur.
Elle confiera ses cicatrices à un accordeur de corps. Celui-là même qui dira : "chaque corps est un résumé du monde".
Pourra-t-elle parvenir à vivre avec ces démons qui l'habitent ?

En voilà un curieux livre ; épuré et un peu froid. Les paragraphes les plus riches sont sans doute ceux où l'accordeur tente de "réparer" la jeune femme.
Pour ma part je ne suis pas arrivé à me mettre au diapason. Dommage

à corps et à cœur

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 19 avril 2015

Clara Werner est une jeune femme meurtrie dans son âme et sa chair. Elle a quitté un mari violent et une mère indigne pour une Norvège où elle espère panser ses blessures et trouver enfin la sérénité. Loin de ce Maroc enfermé dans des principes d'un autre âge, qu'elle a fini par détester, elle va rencontrer un personnage étrange, "l'accordeur" (on ne saura pas son nom), qui a reçu de son père un don lui permettant de soigner ce que l'on appelle aujourd'hui les maladies psychosomatiques. L'eczéma dont souffre Clara va être pour lui l'occasion de mettre en pratique son savoir sur un corps et un cœur brisés à qui il va tenter de redonner le goût de la vie. Au-delà de la trame romanesque, sans grandes surprises, tout l'intérêt de ce court roman tient à ce que l'on pourrait appeler le "fond d'écran". La peinture et la musique, si prégnantes dans la patrie des deux Edvard (Grieg et Munch), imprègnent la narration croisée de Clara et de son sauveteur, déroulant le fil ténu du souvenir. Un roman délicat, merveilleusement bien écrit, qui ravira l'amateur de beaux livres et d'énigmes psychologiques.

Fragile

6 étoiles

Critique de Maria-rosa (Liège, Inscrite le 18 mai 2004, 69 ans) - 24 mai 2005

Hélas, et j'ai vraiment envie de dire hélas, j'ai eu beaucoup de mal à ressentir de l'empathie pour Clara. Et ce lire me renvoie à moi-même dans le sens où c'est bien cette difficulté qui me pose problème. C'est cela même qui me force à dire que c'est un livre réussi. Clara est désespérément, irrémédiablement fragile, fragile au point que si nous la rencontrions, honnêtement et pour beaucoup d'entre nous, elle n'arriverait à nous inspirer que de l'irritation car incapable de sortir de son passé, aussi douloureux soit-il. Clara est de ces personnes qu'il est impossible d'aider. Trop souvent, la souffrance des autres nous renvoie à la nôtre, que nous avons plus ou moins réussi à oublier, à transcender ou à mettre entre parenthèses. Le territoire fragile c'est le territoire noir que chacun porte enfoui en soi.

Une peau de chagrin

7 étoiles

Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 24 mai 2005

"Un territoire fragile", c'est le corps de Clara Werner, biologiste française, réfugiée en Norvège où elle s'enivre dans les bars enfumés, par des nuits éclairées. Elle cherche à fuir un passé, un ancien mari, une mère rigide.

Au fil des chapitres, catapultée surtout par la rencontre avec "l'accordeur", Clara va livrer les morceaux épars de son parcours meurtri. Ce mari marocain, Anas, qu'elle a décidé de fuir, un soir à Dublin, l'a séquestrée, violentée et bafouée. De façon inacceptable, intolérable, mais hélas plausible. Cet homme avait tout pouvoir sur elle. Mais aussi, de manière consternante, on s'aperçoit que la vie de Clara est un relais constant aux sévices. Durant l'enfance, il y a eu "la mère", puis l'homme épousé.

L'accordeur, lui, est un magicien. Il possède un don hérité de son père : il guérit le corps et ses blessures secrètes avec les mains. Sa rencontre avec Clara présente un challenge, la femme se ferme, refuse d'être approchée, ou touchée. Même de se confesser ou de pleurer. Entre deux, c'est une délicate tentative d'apprivoisement, de séduction, d'amadouement.

Eric Fottorino est un grand confesseur des âmes humaines, dans ce roman il confie le parcours d'une femme en manque d'amour, perpétuellement sous la coupe d'outrages infligés par des proches, une maman ou un mari. Que reste-t-il à la jeune femme pour se reconstruire ? Un parcours plein de peines, tout écorché, qu'il faut lire presque religieusement.


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  Eric Fottorino 10 Clarabel 16 octobre 2004 @ 12:00

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