L'éducation du stoïcien
de Fernando Pessoa

critiqué par Jules, le 5 novembre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une certaine conception de la vie...
Ce petit livre est censé avoir été écrit par Alvaro Coelho de Athayde vingtième baron de Teive. Selon celui-ci, il ne s'agit pas de ses confessions mais bien d'une tentative, la plus objective possible, de définition de lui-même.
D’emblée le baron nous situe quel a été le problème essentiel de sa vie et ce qui en a guidé tout le cours. « Il n'est pas de plus grande tragédie que l'égale intensité, dans la même âme ou le même homme, du sentiment intellectuel et du sentiment moral. Pour être indiscutablement et « absolument » moral, on doit être quelque peu stupide. Pour être absolument intellectuel, on doit être quelque peu immoral…. Je n'ai donc, possédant ces deux vertus, jamais rien pu faire de moi. Ce n'est pas l'excès d'une qualité, mais bien de deux, qui m'a tué à la vie. »
A partir de là, l’ensemble de l’existence du baron va se passer à ne rien faire, ni rien décider et il en sera toujours ainsi… Il se dit qu’il vaut bien mieux rêver que d'être, car il est facile de tout obtenir en rêve ! Il dit, en outre, appartenir à la génération qui ne croit quasiment plus en rien. « Le Christ et le progrès sont pour moi des mythes relevant du même monde. Je ne crois ni en la Vierge Marie, ni en l'électricité. »
Selon lui, la lutte en l’homme réside entre le besoin émotionnel de croire en quelque chose et l’impossibilité intellectuelle qu’il y a de croire. Mais l'émotionnel est terriblement fort, car il est impossible de ne rien ressentir, et celui-ci l'emporte donc dans la plupart des cas. Il dit n’avoir jamais été capable de vouloir avant que de penser.
Bien vite, il nous parle de sa décision de se suicider, mais celle-ci est due à son vide moral et non à une souffrance morale.
Ce livre se lit presque comme un ensemble de maximes et, pour aussi désespérées qu’elles soient, elles valent la peine d’être lues et d'y réfléchir un instant. C'est une certaine vision du monde par un homme qui est ce qu'il est. Heureusement que notre tempérament humain et notre goût pour l’action nous portent à voir le monde autrement que lui !… A défaut, l'espèce humaine serait éteinte !
Une conclusion serait que la survie de l'espèce dépend de la capacité à faire taire son intelligence et, ainsi, de céder à l'ivresse de l’action.
Fernando Pessoa est considéré comme le plus grand écrivain portugais et est mort en 1935 quasiment inconnu. Son plus grand livre serait « Le livre de l'intranquillité » Un de mes amis, bien informé, m’a dit que celui-ci pouvait presque se comparer à du Proust. Je n'en sais rien mais, ayant tenté de lire Proust à trois reprises et ayant toujours abandonné avant la cinquantième page, vous comprendrez pourquoi ce n'est pas de ce livre que je vous parle !.
Honte sur moi !…