Mystères
de Knut Hamsun

critiqué par Romur, le 7 août 2008
(Viroflay - 51 ans)


La note:  étoiles
La fin d'un fou
Nagel débarque de façon voyante et semble-t-il maladroite dans une petite ville de province et s’installe à l’hôtel. Il va séduire et fasciner la société locale par son originalité, son éloquence, ses provocations et maladresses qui alternent avec des moments de générosité et d’urbanité.
Nagel, c’est le héros de La Faim qui aurait le ventre plein. Un personnage mythomane, à la fois faible et fort, tour à tour séduisant et odieux… On finit par ne plus savoir démêler la vérité du mensonge et du rêve dans ses propos. C’est aussi un personnage d’une grande intelligence et d’une sensibilité extrême, attiré par la nature sur laquelle on peut lire des descriptions superbes. C’est un solitaire à la recherche de l’âme sœur, mais qui ne s’intéresse qu’à des femmes inaccessibles et les effraie avec ses fantasmagories. C’est un critique acerbe et cynique de la petite bourgeoisie de province et de la petitesse du jeu politique et démocratique qu’il tourne en dérision.

Avec Mystères, tout comme dans La Faim, K. Hamsun repousse bien avant Freud les limites du territoire connu de la conscience humaine.

Tout en reconnaissant la force et l’originalité de l’œuvre, et même si le héros m’a été moins insupportable que celui de La Faim, je n’ai pas aimé ce livre que je me suis forcé à finir.
Un étrange homme en jaune 6 étoiles

Johan Nagel débarque un jour dans une petite ville de Norvège, où il attire immédiatement l’attention en raison de son costume jaune. Venu d’on ne sait où, il se lie très rapidement d’amitié avec quelques habitants, séduits et intrigués par son étrange comportement. La seule raison de sa présence semble en effet être son désir de parler aux autres, de les connaître. Riche en apparence, il fait bénéficier de ses largesses ceux qui en ont le plus besoin. D’un tempérament exalté, il passe du bonheur à la dépression en quelques instants. Car l’homme s’éprend vite et ne peut que sombrer dans le désespoir, car qui pourrait le suivre à ce rythme ?

Ce Nagel est un bien curieux personnage de roman, dans une histoire qui est tout aussi curieuse que lui. Pas plus que les habitants de cette ville, le lecteur ne comprend les agissements de cet homme. Plein de contradictions, sans doute ne saisit-il pas bien lui-même qui il est. Mais son tempérament est cause de souffrance, puisqu’il porte sur lui une petite fiole de poison, dont il dit ne pas avoir le courage de se servir. Homme passionné prompt à l’emportement, il sait qu’il inquiète autant qu’il séduit. Ce qui sans doute le destine à une vie de solitude.

Tout autant que j’avais aimé La faim, j’ai aimé ce roman de Knut Hamsun. Et je me suis bien gardée d’écrire ce billet immédiatement après ma lecture, car ce sentiment croît au fil des jours. Ces deux romans surprenants dessinent le portrait d’un bien étrange auteur, et on ne peut du coup qu’imaginer qu’il y a des points communs entre lui et le personnage de Nagel. Je vais donc m’attacher à poursuivre ma découverte de l’œuvre de ce grand auteur controversé.

Aliénor - - 56 ans - 7 octobre 2012


Un héros fascinant 9 étoiles

Nagel, 29 ans, porte toujours une tenue vestimentaire voyante jaune, une casquette, un étui à violon ... sans violon, mais contenant des vêtements une fiole de poison au cas où. Cet antihéros débarque dans une petite ville norvégienne. Il semble riche, se dit agronome mais ne l'est pas et se plaît à mêler imaginaire et réalité.

Il côtoie les habitants de cette ville de province, des personnes bourgeoises et leurs conversations sont toujours riches, mais le lecteur ne sait jamais si ce que dit Nigel est vrai ! Certains de ses récits frôlent le fantastique.

Il est amoureux de Dagny Kielland, femme pour laquelle un homme s'est tué. Il se montre généreux en donnant de l'argent à Minute, un être handicapé dont il ne cessera de se méfier. Nagel aime se distinguer lors de soirées, il est celui qui aime être seul contre tous, se plaît à défendre son point de vue, ce qui lui vaudra d'être considéré comme un homme quelque peu excentrique. Qui est donc ce Nagel ? un homme admirable ? un imposteur ? un pauvre être en proie avec la réalité ? Qui est cet homme qui se plaît en société et qui aime particulièrement se réfugier dans les forêts norvégiennes ?

J'ai dévoré ce roman mystérieux, où finalement ce ne sont pas tant les péripéties qui captivent le lecteur, mais ce personnage intriguant, lointain, très lointain cousin de Gatsby !

Une phrase qui résume assez bien le regard que porte Nagel sur le monde :" Quel intérêt y a-t-il donc, même concrètement, à enlever toute poésie, tout rêve, tout mystère, toute beauté, tout mensonge à la vie ? Vous savez ce qu'est la vérité ? Nous ne marchons que grâce à des symboles, et nous en changeons au fur et à mesure que nous progressons."

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 14 octobre 2011


Toujours sous le coup de Knut... 7 étoiles

La faim du même auteur m'est sans doute un des souvenirs de littérature les plus puissants. Ces mystères sont au moins aussi forts, même si beaucoup plus ésotériques. Nagel débarque un jour dans un petit village, sans raison précise. On ne sait pas trop et ne saura jamais qui il est vraiment. Il intrigue, dans son vêtement jaune, un village où tout le monde se connait, où tout le monde a son rôle à jouer, où chaque chose est à sa place. Il y a bien sûr eu cet homme qui s'est tué d'amour pour une femme qui l'a éconduit…un jour. Et Nagel qui vient, s'impose, fait le bien, pose les mauvaises questions, creuse les âmes en creusant un chemin dont personne ne connaît le but, ni surtout comment il a commencé. Nagel est un peu fabulateur, il est aussi généreux sans raison, il a l'air riche, mais ne l'est pas franchement, dépense sans compter et sans le faire savoir pour satisfaire ceux qui, dans ce village, lui semblent vrais et pourtant pas reconnus à leur juste place. Il s'éprend vite, se désespère presqu'aussi vite et finalement emprunte les mêmes pas que l'homme qui s'est tué d'amour, un homme qu'il connaissait, un homme avec qui il partage une même passion: Mademoiselle Kielland.

Une galerie de portraits, des tranches de vie et des mystères qu'on n'éclaircit guère. Une écriture ciselée, un sentiment d'étrangeté qui résonne au fond de soi sur le rapport aux sentiments comme ils se construisent, en dépit, contre, à contre-temps, de celles et ceux à qui ils sont destinés.
Des mystères qui font le mystère d'un livre qui fait trace.

Monito - - 52 ans - 24 février 2011