Les Chevaliers teutoniques
de Henry Bogdan

critiqué par Micharlemagne, le 13 août 2008
(Bruxelles - 73 ans)


La note:  étoiles
Un Ordre défiguré
Les chevaliers teutoniques véhiculent une image fort sombre. Chacun a présent à l'esprit les pages passionnées de Sienkiewicz ou les images d' « Alexandre Nevski », le film d'Eisenstein, Henry Bogdan qui est un spécialiste de l'histoire des pays de l'Est entreprend dans cet ouvrage de rétablir la réputation de cet ordre religieux et militaire né d'une fondation hospitalière en Terre Sainte au XIIe siècle. Au siècle suivant, parallèlement à leur action en Palestine, les Teutoniques, car les chevaliers qui composaient cet Ordre provenaient d'Allemagne, étaient appelés à combattre les païens en Hongrie puis ils reçurent mission d'évangéliser les contrées qui constituent aujourd'hui la Pologne orientale et les Pays baltes, Au prix de luttes acharnées, ils finirent par créer un Etat puissant qui ne s'effondra qu'au moment de la Réfome quand Albert de Brandebourg, qui avait été élu grand-maître de l'Ordre, se convertit au luthéranisme et profita des circonstances pour laïciser les biens de l'Ordre au profit de ce qui deviendra la Prusse,
L'Ordre qui possédait des biens dans tout l'Empire survécut à ce coup terrible, mais devint peu à peu la « chose » de la Maison d'Autriche, Cette situation perdura jusqu'à la dislocation de l'Autriche-Hongrie et même un peu au-delà, L'Ordre entreprit alors de revenir aux principes qui avaient suscité sa création et se consacra aux oeuvres hospitalières, ce qu'il continue à faire de nos jours,
Le livre de Bogdan ne se lit pas très facilement : il nous entraîne dans une succession d'événements qui nous sont très mal connus, On pourrait aussi lui reprocher de ne pas faire une place suffisante à l'organisation de cet Ordre qui nous paraît encore mystérieuse à la fin de la lecture,
Mais il tord le cou à un certain nombre de mythes qui ont poursuivi l'Ordre jusqu'à nos jours, C'est là son plus grand mérite,
Un livre intermédiaire 6 étoiles

Depuis quelques années, la bibliographie concernant les Chevaliers teutoniques s'est singulièrement étoffée avec un ouvrage aux Editions Ellipses et un autre chez Tallandier signé Sylvain Gougenheim. Les deux ont comblé un vide souligné par l'auteur du livre d'Henri Bogdan, aussi bien pour nous éclairer sur les structures de l'Ordre que sur ses implantations par secteurs géographiques. Surtout, ils réintroduisent la lourde défaite des Teutoniques à Grunewald, le 15 juillet 1410, face aux Polonais et aux Lithuaniens dans le long historique. Du départ de la Terre Sainte et de la Syrie après le départ des Croisés de Saint-Jean d'Acre jusqu'à notre époque, en passant par le transfert du siège de l'Ordre à Venise puis à Marienburg, en Prusse orientale, et de nos jours à Vienne, c'est toute l'histoire d'un Ordre qui a changé de vocation et renoué avec sa tradition caritative et hospitalière en renonçant pour toujours à ses glorieuses et sombres pages militaires écrites en Europe orientale, qui nous est contée. Bogdan, a eu le mérite après Laurent Dailliez de réveiller notre intérêt pour cette histoire de fer et de sang.
Ajoutons aux références cinématographiques le film polonais en couleurs d'Aleksander Ford, qui est une très belle adaptation du roman de Sienkiewicz.
François Sarindar

Francois Sarindar - - 66 ans - 25 mai 2013