Le Chevalier de La Barre
de Michel Zévaco

critiqué par Killeur.extreme, le 20 août 2008
(Genève - 42 ans)


La note:  étoiles
un chevalier mal barré
Présentation de l'éditeur
Inédit en volume jusqu'à aujourd'hui, Le Chevalier de La Barre est le premier feuilleton historique publié par Michel Zévaco dans Le Journal du Peuple en 1899. Accusé de sacrilège, condamné sur de faux témoignages pour servir d'exemple, torturé et exécuté en 1766 à l'âge de dix-neuf ans, le véritable chevalier de La Barre fut le " héros " de l'une des causes célèbres âprement défendues par Voltaire et Diderot. Ce champion de la laïcité, réhabilité à la Révolution, ne pouvait que plaire à l'anticlérical convaincu qu'était Zévaco. L'auteur racle donc ici les ingrédients de ce qui deviendra sa " marque de fabrique" : Un personnage et un arrière-plan historiques, une victime entraînée dans une cascade d'effroyables malheurs, généralement ourdis par un adversaire farouche - un prêtre odieux! - qui s'acharne à sa perte au fil d'épisodes rythmés par des rebondissements et des coups de théâtre incessants.
Biographie de l'auteur Né à Ajaccio en 1860, Michel Zévaco devient journaliste puis secrétaire de rédaction à L'égalité. Anarchiste, il effectue plusieurs séjours en prison pour ses articles libertaires, puis abandonne le journalisme politique en 1900, après avoir défendu Alfred Dreyfus, afin de se consacrer uniquement au roman feuilleton il sera l'un des plus prolifiques représentants, avec pas moins de 1400 titres. Auteur des Pardaillan, du Capitan, il est, selon les mots de Jean-Paul Sartre, " cet auteur de génie (...) qui a inventé le roman de cape et d'épée républicain ".

Après avoir lu le « Capitan », je voulais poursuivre ma lecture de l’œuvre de Zévaco, ce roman, son premier roman-feuilleton, est intéressant car il parle du dernier condamné pour blasphème en France, Zévaco étant largement anticlérical, il donne une image très négative de l’église et une critique qui peut s’étendre à toutes les religions et peut également s’appliquer à notre époque dans certains pays où certaines personnes sont exécutées au nom de la religion. Dans la réalité, avec le recul de notre époque, le chevalier de la Barre est condamné à une mort ignoble, il est condamné à la question, ordinaire et extraordinaire (torture) pour avouer ses crime ensuite à avoir la langue et main droite coupés et enfin à être décapité et son corps à être brulé sur un bûcher, pour, ce qu’on appellerait aujourd’hui (dans un Etat laïc) des broutilles (il est accusé d’avoir endommagé un crucifix, de s’être couvert au passage d’une procession, d’avoir profané une tombe, d'avoir entonné en public des chants blasphématoires et le plus grave de lire Voltaire) qui seraient punies aujourd’hui d’une peine de prison ou seulement d’une amende, pour autant que l’accusé soit coupable, ce qui n'est pas vraiment le cas du Chevalier de la Barre. Le chevalier de la Barre a été exécuté à 19 ans ses derniers mots auraient été « Je ne croyais pas qu’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose » (Source Wikipedia), je vous invite également pour en savoir plus sur le « vrai » Chevalier de la Barre à aller consulter l’article sur Wikipédia ou à lire le livre de Max Gallo (je ne l’ai pas lu, mais l’auteur de la préface du roman le recommande, tout en regrettant qu’il soit épuisé car il donne une bonne source de documentation) Que passe la justice du Roi : vie et supplice du chevalier de La Barre, Paris, Robert Laffont, 1987. ISBN 9782221052723.

Passons, enfin ;-), au roman, mais avant tout je vous recommande, avant ou après la lecture du roman, de lire la préface de BAYON qui a retrouvé le roman qui donne une analyse pertinente du roman allant jusqu’à dire que ce roman s’il était un film serait qualifié de Navet (habituellement la personne qui a établit le texte insiste sur les qualités du livre, là il commence par ses défauts, c’est plutôt original), mais je vous laisse la lire car je serait obligé de la mettre en entier et c’est mon avis que vous attendez, enfin j’espère ;-), et ça vous force à acheter le livre, malheureusement je ne touche rien sur les ventes ;-). Tout amateur de romans de cape et d’épée doit aimer « le Chevalier de Barre » car ce roman ne se lit pas, il se dévore. Zévaco n’utilise l’histoire du Chevalier de la Barre que comme un prétexte pour écrire un roman d’aventures et de cape et d’épée et il est très peu fidèle aux évènements historiques.
Dans le roman, le prêtre Gerfaut fait condamner le chevalier de la Barre car celui-ci est sur le point d’épouser Marguerite, dite Fleur-de-Mai, la bouquetière d’Abbeville que le prêtre aime aussi, il manque juste au chevalier le consentement de sa tante dont il est le seul héritier et généralement les nobles n’épousent pas des gens du peuple, cependant la tante accepte le mariage et informe son neveu qu’il est recherché par la justice royale et quand il va chercher Fleur-de-Mai pour qu’elle fuie avec lui, celle-ci a été enlevée par Belleval, complice de Gerfaut, le chevalier pourra compter sur ses amis d’Etallondes et Maillefeu également accusé de blasphème, sur Salvère, ennemi de Gerfaut et de Belleval, et sur le gascon Espadasse et le flamand Tête-de-Fer, deux bretteurs auxquels Salvère a fait l’aumône un jour qu’ils mouraient de faim, pour l’aider à libérer celle qu’il aime….
C’est le premier roman feuilleton de Michel Zévaco, plus connu à l’époque comme journaliste anarchiste de gauche ayant déjà passé quelque temps en prison, il décide de se consacrer à la littérature pour faire vivre sa famille, il n’a pas encore trouvé son propre style, le « Capitan » écrit après que j’ai lu avant semble mieux maîtrisé et plus personnel, mais la "mise en scène" des situations du roman est magistrale et tiens le lecteur accroché au récit, Zévaco raconte son histoire sur plusieurs angles, exemple un personnage arrive alors qu'on ne l'attend pas et ensuite on a le récit qui explique l'arrivée de ce personnage, malgré un talent d'écriture déjà présent, on devine certaines références illustres : Victor Hugo : L’amour que porte le prêtre Gerfaut à Fleur-de-Mai et le pousse au crime et le serviteur bossu sont des références directes à « Notre-Dame de Paris », Alexandre Dumas : Salvère = Joseph Balsamo, les deux bretteurs = Cauvignac (la Guerre des femmes), d’Artagnan, Chicot, les deux moines Dom Mafre, toujours affamé et Fra Oremus, toujours assoiffé = Gorenflot (la Dame de Montsoreau), et l’amitié que se portent tous ces personnages qui feront tout ce qui est humainement possible pour sauver le Chevalier de la Barre, fait penser à la tentative des Mousquetaires pour libérer Charles Ier dans « Vingt-ans après ». Si Zévaco respecte peu les faits historiques, son chevalier de la Barre « fictif » connaîtra la même fin que son modèle réel, mais le fait de connaître la fin ne gâche pas la lecture de ce très bon roman qui vous fera passer un bon moment de lecture.