Brütt ou les jardins soupirants
de Friederike Mayröcker

critiqué par Sahkti, le 27 août 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Dire l'amour invisible
Brütt pourrait être qualifié de journal presque intime, de rapport sur l'amour et sur l'absence. On y retrouve la narratrice qui s'épanche auprès de Blum, confident d'un long moment, en évoquant Joseph, l'être aimé qui brille par son absence.
Cette trame, pâle résumé de la complexe intrigue tissée au fil des pages, présuppose des appartés, des confidences, des souvenirs, des projections dans le futur et des retours en arrière. Avec son lot d'intimité, de pudeur mais aussi de voyeurisme dans l'exposition des sentiments. Le tout teinté d'ue bonne dose de poésie et de musicalité, une structure en apparence décousue.

"(...)la tentation de me livrer une fois de plus : encore et encore, à l’ivresse de l’hiéroglyphation – remarquez l’usage de ce terme, lecteur abasourdi – car il ne s’agit pas que d’1 copiage, mais 1 tâtonnement, tatillonnement, tourbillonnement, titillement de signes, sons, sentiments, embrasements, déchirements, démontages d’idées, expériences, souvenirs, couleurs et d’1 recomposition, resoudage en de nouveaux objets n’ayant jamais existé auparavant, apparitions enflammées, grives, mèches de mots s’écoulant en flots blonds des murs de la boutique du fleuriste, treillage de raphia, larmes et aveuglements (...)"

Cette exposition de l'amour oblige à une confrontation, souvent dure, avec le monde et la réalité. Réalité des sentiments mais aussi de l'existence, alors il est parfois meilleur, voire préférable de conjuguer cette lucidité à une forme de rêverie, à un départ constant vers le royaume de l'imaginaire. Un voyage auquel se livrent les protagonistes du récit, à travers l'écriture endiablée et difficilement classable de Friedericke Mayröcker.
J'ai été surprise et par moments perdue face à ce récit qui se déguste mieux à petites doses, histoire de lentement s'imprégner des personnages et de leurs destins. C'est un texte riche, foisonnant d'images et d'échos, qui demande à être apprivoisé en douceur avec, à la clé, une formidable entrée dans un monde mystérieux.