Le Christ recrucifié
de Níkos Kazantzákīs

critiqué par Jules, le 28 août 2008
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Du charme et de la crispation
Ce livre est très particulier au niveau des effets qu’il procure. Je dirais qu’il m’a parfois un peu énervé, que je l’ai donc lu très lentement et avec de nombreuses envies de ruptures. Et je ne suis jamais arrivé à rompre ! Pourquoi ?... Parce qu’il se dégage aussi de ce livre un indiscutable charme.

Celui-ci vient de par les qualités d’écriture de l’auteur, que j’ai beaucoup aimé dans « Zorba ». Mais il provient aussi du fait que ce livre se passe dans un petit village qui n’est habité que par des Grecs et qu’il est dirigé par le pouvoir musulman représenté par un Agha. Deux religions se font donc face, la musulmane et l’orthodoxe.

D’autre part, la population est essentiellement paysanne. La foi est plutôt celle du charbonnier, alors que l’histoire se passe, vraisemblablement un peu avant la guerre quarante. Comme tout village il compte ses notables, ceux qui vivent correctement et ses pauvres.

Tout va démarrer avec la fête de Pâques qui se termine et le fait que les notables entendent désigner de suite ceux qui participeront à celle de l’année qui vient. Le village a pour habitude de représenter les scènes. Ils doivent donc répartir des rôles entre des membres de la population. Il faut un apôtre Pierre, un autre qui fera Jean, mais il faut aussi désigner un Judas !... Pour Marie-Madeleine ils ont, tout naturellement « la veuve », jeune, très jolie et généreuse de ses charmes vu ses propres besoins et sa jeunesse. Puis arrive le choix pour faire le Christ… Un jeune et beau berger, Manolios, va être désigné. Mais voilà que tous vont croire à fond en leurs rôles et cela va changer toute la vie du village !

Ici Kazantzaki va montrer toutes les similitudes qui existent entre les discours du Christ et les théories communistes. Bien sûr les notables vont s’affoler et cela d’autant plus qu’ils ont entendu ce que ces discours supposent sur base de la pratique en Union Soviétique. Mais Manolios et ses apôtres, hormis Judas, y croient dur comme fer aux idées du Christ. Ils n’abandonneront pas ! Quant à une grande partie de la population elle est convaincue que, Christ ou non, il y aura toujours des riches et des pauvres. Une partie suit très vaguement alors qu’une autre trouve que cette charité va coûter cher à tous sauf aux pauvres et que tout cela n’est que de l’utopie.

Le pope, également notable, va se heurter à une interprétation des paroles du Christ qu’il n’est évidemment plus du tout prêt à admettre !

Ce qui m’a semblé très long ?... Les longues études et dissections des évangiles, très nombreuses en plus. Surtout que, globalement, il s’agit de choses que nous connaissons.

Je tiens à préciser ici que, Kazantzaki, tout comme son ami écrivain Istrati (découvert par Romain Rolland), était communiste mais, aussi comme Istrati, quand il découvrira le régime Stalinien il fera complètement demi-tour !

Dois-je le conseiller ?... Je n’en sais rien !
Christianisme et communisme 9 étoiles

Dans un petit village d'Anatolie habité par des Grecs mais sous la domination d'un "Aqha" Turc (chef Turc), quelques habitants sont désignés pour jouer les scènes de la passion lors de la semaine sainte : un jeune berger devra tenir le rôle du Christ, le fils d'un riche notable sera le disciple préféré - Saint Jean -, une jeune et belle veuve sera Marie-Madeleine, un autre Saint Pierre... et ainsi de suite. Mais ce qui n'était censé être qu'une représentation prend une toute autre tournure car chacun prend son rôle très au sérieux. Lorsqu'un groupe de réfugiés affamés cherche de l'aide et que les notables les rejettent, tout est en place pour que se rejoue réellement la passion du Christ : les riches et le pope feront tout pour discréditer l'appel au partage du jeune berger et de ses disciples, allant jusqu'à faire appel à l'autorité étrangère pour l'écarter.

C'est un roman très coloré, bourré d'humour et de tendresse, un ample roman qui prend son temps. La nature est superbement évoquée, que ce soit le soleil qui réchauffe la terre et dore le blé, ou la lune et le ciel étoilé, .. les éléments naturels prennent part dans l'histoire de manière quasiment sensuelle. Tout ce petit peuple est dépeint avec humour et chaleur, de manière un peu picaresque. L'histoire est une mise en abîme de l'évangile et une réflexion sur le message évangélique ainsi que sur l'idéal communiste. On sait que l'auteur avait eu une attirance pour le marxisme mais avait été dégoûté par l'expérience de Staline, il était aussi fortement attiré par le mysticisme.

C'est un grand classique de la littérature Grecque, par l'auteur de Zorba le Grec, un auteur mainte fois nominé pour le prix Nobel. Un roman que j'ai lu avec beaucoup de plaisir et qui me donne envie d'en lire d'autres de cet auteur.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 2 avril 2017


un très grand livre 10 étoiles

C'est un des livres-chocs de mon adolescence, au même titre que "L'idiot", "L'assommoir", "Les Hauts de Hurlevent", "Les raisins de la colère"... A aucun moment, je n'ai ressenti le moindre ennui, c'est long, oui, et avec pas mal de digressions autour des évangiles, très grec orthodoxe en fait. Car Kazantzakis était un être en recherche spirituelle, et ça se sent ici, tout autant que dans "Alexis Zorba", "La dernière tentation" (très supérieur au film de Scorsese) ou "Le pauvre d'Assise". Ce fut un très grand écrivain, un des phares de la Grèce au XXe siècle.

Cyclo - Bordeaux - 78 ans - 5 décembre 2013