Atelier 62
de Martine Sonnet

critiqué par Feint, le 10 septembre 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
On sent bien que c’est l’amour
Amand Sonnet a travaillé de longues années comme forgeron à Céaucé, près de Flers et de Domfront, en Normandie. Quand il a senti que ce métier ne tarderait plus à appartenir au passé, il est parti travailler chez Renault, aux forges de Billancourt, à l’« Atelier 62 ». Attendu cinq ou six ans avant de pouvoir loger à Clamart sa famille, femme et enfants. Cinq enfants. La cinquième, c’est Martine Sonnet, l’auteur d’Atelier 62. Ce livre, c’est cette histoire du passage d’un monde à l’autre : le monde rural, le monde ouvrier. Et ce qui s’efface entre les deux, maintenu vaille que vaille le temps des vacances, de retour en Normandie, mais qui tend à disparaître. L’Atelier 62, aux forges de Billancourt, c’est une époque aussi, une sorte de noblesse ouvrière, chèrement payée : les hommes souvent y laissent la peau tant y sont dures les conditions de travail, et la retraite n’y est qu’à soixante-cinq ans. Les chiffres sont là, et les revendications syndicales, et les réponses de la Régie : Martine Sonnet, aussi, est historienne. Mais cette époque-là aussi disparaît, les forges de Billancourt sont condamnées, et depuis 92 l’Ile Seguin est un désert.
Mais ce livre est bien plus que le témoignage d’une époque, de deux époques – qu’il est aussi. Le livre refermé, il reste une sensation, celle d’une présence, une silhouette haute et large, les mains dans les poches, et qui marche. Et comme le sentiment de l’avoir vraiment connu, Amand Sonnet. L’homme est là. Rares sont les livres qui offrent un tel sentiment de présence. C’est qu’au fond, on sent bien ce qui anime tout ce travail, infiniment pudique comme on imagine Amand Sonnet ; on sent bien que c’est l’amour.
Bel hommage au père ouvrier. 10 étoiles

D'accord avec Feint! Ce qui ressort de ce livre c'est vraiment l'amour de la fille, devenue universitaire, pour son père ouvrier-forgeron-géant-Normand devenu parisien"des taillis".
La composition du livre est très efficace. De courts chapitres pour la moitié historiques traitant de l'histoire des usines Renault dans les années 60, pour moitié sentimentaux consacré aux souvenirs de famille.
La photographie du père (héros), en couverture crée dès sa découverte une sympathie instantanée du lecteur sensible.
Sensible à l'histoire de ces dizaines de milliers d'ouvriers exploités, harcelés sur leur lieu de travail, manoeuvrés et dupés par les médecins du travail, les "ressources humaines".
Je suis également renforcé dans ma conviction de la nécessité vitale des syndicats qui menaient sans relâche des actions pour améliorer les conditions de ces travailleurs et de leur famille.

Beau travail, beau livre, beau papier, auteur à suivre.
A+

Donatien - vilvorde - 81 ans - 27 mars 2010