L'agneau carnivore
de Agustín Gómez-Arcos

critiqué par Spiderman, le 11 septembre 2008
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Eblouissant roman d'amours ...
Dans l'Espagne des années cinquante, brisée par la guerre civile et menée par le sabre et le goupillon deux frères vivent une passion sensuelle et amoureuse sans que leur famille ni le précepteur (républicain) ni le prêtre confesseur du jeune narrateur ne puissent y apporter d'obstacles suffisants.
Agustin Gomez Arcos, traducteur et auteur dramatique, livre ici un premier roman dans une langue française riche et absolument libérée de tout hispanisme, stylistique ou lexical.
Il n'est pas facile de se plonger dans l'histoire et l'approche des personnages peut paraître parfois laborieuse : il s'agit de construire des personnalités fortes et peu conventionnelles et qui, en se dévoilant tout au long du livre, éclairciront bien des zones d'ombres qui, au début, peuvent rendre la lecture un peu pesante.
Sans manichéisme, on découvre, de l'intérieur, des aspects rarement aussi crument évoqués des attitudes des vainqueurs et des vaincus, qui font preuve à l'égard du narrateur d'une cruauté d'assez égale intensité sous des aspects différents.
Pas de vrai « triomphe de l'amour » mais une authentique aventure dont la force écrase la perversité dissimulée et l'hypocrisie des adultes. Une plongée au coeur d'un totalitarisme souvent décrit dans ses aspects politiques, économiques, historiques ou religieux mais rarement dans l'intimité sensuelle et intime d'une famille où les affrontements ont anéanti des liens humains « avant gardistes » et qui s'achève sur une note d'un « terrorisme » étonnant.
Publié en 1984, ce roman peut donner, un quart de siècle plus tard, la mesure du chemin parcouru par un pays qui, tout en gardant des silences pesants sur ces périodes encore douloureuses, a su se placer à l'avant-garde des droits à la différence et à l'indiférence.
Avant tout et surtout un grand moment de littérature qui dissèque, tantôt au scalpel tantôt au vitriol de saisissantes expériences.