Saloon de Aude Walker

Saloon de Aude Walker

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 25 septembre 2008 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 8 étoiles
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Ils sont la mythologie de l’Amérique ...

« Ce soir, j’ai croisé ma mère et elle ne m’a pas reconnue. » Lisa, serveuse dans un palace parisien, plaque tout, job, père, copain et dégage, rapide, vers l’Amérique, là-bas près de New-York dans la villa fastueuse et décatie où cette mère dédaigneuse s’apprête à parader devant les reliques de la société huppée qui hantait ce bout de côte de l’Atlantique quand la famille était au zénith de sa gloire et de sa fortune. Ce morceau d’Amérique qui vit aussi un certain Gatsby perdre une bonne partie de sa magnificence. Avec son frère adulé, elle retrouve tous les fantômes qui ont peuplé son enfance et son adolescence quand son père a fui devant la folie de sa femme gavée d’alcool et folle de sexe, et qu’elle y revenait seule pour les vacances. Elle vient chercher le regard de cette mère qui ne voit que sa propre image, icône encore belle de cette dynastie déchue, un peu d’affection, un peu d’amour et sa personnalité qu’elle n’a pas trouvé dans l’exil parisien que son père peuple de nymphettes à peine déniaisées. Cette quête de son moi pourrait être une parabole de cette Amérique dont le fric est sniffé, bu, avalé, dégueulé par une tribu décadente, issue des grandes familles fondatrices de cette nation, qui flambe, frime et brade les soldes des générations précédentes qui avaient déjà dépassé le cap de celle qui bouffe la baraque, sans laisser le moindre espoir à ses enfants.

Aude écrit comme Christine Arron court le cent mètres, elle jaillit des starting-block, règle la cadence, hausse la fréquence, décoche la formule qui percute, sort un raccourci fulgurant, joue de l’allégorie et de l’oxymore pour terminer comme un ouragan qui balaie ce bout de côte et emporte tout sur son passage car la vie n’est pas possible dans ce monde fossilisé et perverti où les êtres n’ont conservé de l’humanité que ce qui les dégrade et les détruit : maladie, accident, suicide, overdose, le frère dresse le glorieux palmarès du cocktail alcool, drogue, mœurs décadents. Aude parle « djeun » mais son vocabulaire déborde largement du quota de mots affectés à nos hommes politiques pour qu’ils puissent se faire comprendre de leurs électeurs, et son style ferait l’affaire de nombreux écrivains qui nous endorment à longueur de lignes. Le risque avec cette écriture, c’est d’en faire trop et de tomber dans le piège de la formule pour la formule, de l’effet pour l’effet et de perdre le rythme du texte et la cadence du récit. Mais Aude aime trop la musique ; de Puccini à Chuck Berry au moins, pour succomber au piège!

La littérature francophone qui désespérait tant de lecteurs avec ses écrivains surmédiatisées qui ont fini par nous saturer de leurs jérémiades et de leurs histoires égotiques, prend soudain un coup de jeune vivifiant avec les Appanah, Taino, Walker, jeunes femmes bourrées de talent , d’audace, d’amour, de tendresse, …, qui nous racontent des histoires merveilleuses, terribles, touchantes, frémissantes ou vibrantes mais des histoires pleine de vie et d’émotion. Ouf, je croyais que c’était un rêve impossible !

Quel ouragan dans les rayons des librairies !

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Les éditions

  • Saloon [Texte imprimé], roman Aude Walker
    de Walker, Aude
    Denoël
    ISBN : 9782207260098 ; 14,25 € ; 25/08/2008 ; 195 p. ; Broché
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