Une panthère dans la cave
de Amos Oz

critiqué par Tistou, le 8 octobre 2008
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Petit garçon à Jérusalem fin des années 40
« On m’a très souvent qualifié de traître, dans ma vie. La première fois que cela se produisit, j’avais douze ans et j’habitais à la périphérie de Jérusalem. C’étaient les grandes vacances, moins d’un an avant la fin du mandat britannique et le début de la guerre qui préluda à la naissance de l’Etat d’Israël. »

Profi a douze ans, et Amos Oz va profiter de sa perception de petit garçon pour traiter de la grande Histoire, les préludes de la création d’Israël.
Profi est l’enfant unique de deux rescapés des évènements des années 1940, originaires de l’Est, l’Ukraine, qui sont venus s’installer dans ce qui deviendra Israël. La sensibilité de toute la famille, de tous les juifs qui s’installent à ce moment à vrai dire, est exacerbée, vis à vis des allemands, vis à vis des arabes autochtones et vis à vis des anglais qui ont encore mandat sur cette partie du monde et qui sont perçus comme trahissant les juifs. Une résistance s’est installée, dont les échos la nuit, lors du couvre-feu, se traduisent par des coups de feu, de sourdes explosions et éventuellement de petits grattements à la porte de la maison familiale, la nuit.
Profi idéalise tout ceci, et du haut de ses douze ans a joué aux « grands », et avec Chita et Ben Hur a créé l’OLOM (« organisation pour la liberté ou la mort » !), organisation qui comporte trois membres ; les trois enfants suscités. Il y est question évidemment de « l’occupant anglais ».
Or, notre Profi, à l’occasion d’une négligence qui l’amène à traverser les rues de la ville le couvre-feu tombé, tombe sous la main du sergent Dunlop qui le reconduit chez lui. Le sergent Dunlop, qui n’est pas vraiment l’archétype du « warrior », son antithèse plutôt, qui porte une admiration indéfectible à Jérusalem et qui veut apprendre correctement l’hébreu. S’ensuit un deal entre le sergent débonnaire et le petit garçon idéaliste. L’un apprendra l’hébreu à l’autre et l’autre lui apprendra l’anglais. Tout ceci à l’occasion de rencontres l’après-midi (on est en plein été) à l’Orient Palace, vague café-billard-lieu de rencontres en tôle. Et tout ceci prend aux yeux des compagnons de Profi l’allure d’une trahison.
Bon, on est plus dans « la guerre des boutons » que dans John Le Carré !
Amos Oz digresse donc, de droite et de gauche sur la trahison, l’idée qu’on s’en fait, la réalité de la chose, la culpabilité, l’éveil à la sexualité, … tout ceci en plein milieu de la grande Histoire. Il doit y avoir de l’autobiographie dans tout ceci. C’est frais, un peu décousu, mais ça se lit très vite.
Le traître, figure condamnable et pourtant si proche de nous 8 étoiles

Ce roman initiatique se déroule à Jérusalem dans les années 40 vers la fin du mandat anglais sur la Palestine. Tout est vu au travers du regard d'un jeune adolescent qui va se lier d'amitié avec le sergent Dunlop, un britannique. Je ne détaille pas la présentation car Tistou l'a faite.

Ce roman ne présente aucune difficulté à lire et pourrait presque surprendre par cette facilité. En même temps, tout est vu par le regard d'un jeune adolescent. Adopter un langage complexe aurait fait perdre de la cohérence à ce roman. Il est très intéressant de voir que les relations tendues du conflit israélo-palestinien ont contaminé tous les individus quel que soit leur âge. Le jeune "Profi" et ses amis Ben Hur et Chita se disent eux-mêmes résistants par leurs jeux. Ces personnages jeunes sont incapables d'avoir une vie d'enfant et ont une façon de voir le monde et de s'interroger qui rappelle celle des adultes, ce qui est évidemment tragique.

La relation que le jeune narrateur entretient avec cet anglais est le principal élément de l'intrigue de ce roman et questionne sur la notion de traîtrise. Le lecteur perçoit que cette thématique est vaste et englobe de nombreuses actions : le traître est celui qui trompe la confiance d'autrui, c'est aussi celui qui sympathise avec l'ennemi, c'est lui qui observe une autre personne sans son consentement. Et l'écrivain dans tout ça ? Le roman est faussement naïf et permet de se poser des questions et de relativiser notre opinion sur un tel sujet.

Le roman est inspiré de la vie de l'auteur où la figure paternelle occupe une place particulière, ce père qui voulait écrire sans grand talent, qui possédait une belle bibliothèque et qui appelait le jeune Amos Oz "Son Excellence", ce qui agaçait prodigieusement le jeune écrivain. Il reste pourtant difficile d'affirmer que tout est autobiographique dans ce roman. Rien ne le confirme, rien ne l'infirme. Le domaine des relations occupe une grand place dans ce roman, celle du narrateur avec ses parents, celle qui l'unit à ses amis, à un adulte anglais, à une fille ... On voit ce jeune homme évoluer sous nos yeux par la confrontation avec l'autre.

Certaines pages sont particulièrement bien écrites. La longue description de la bibliothèque paternelle est vivante et personnifie les livres. Le lecteur a vraiment l'impression d'être présent dans la pièce, voire même de pouvoir consulter tous ces livres. La littérature reste discrètement présente dans ce roman, alors que le cinéma est régulièrement convoqué avec l'allusion au film "Une panthère dans la cave". Cette référence cinématographique confère une épaisseur à ce roman en nous invitant à interpréter, à condition d'avoir ce film en tête évidemment. En même temps, le titre en lui-même a des connotations significatives.

Ce roman est agréable à lire. Par le biais du jeune narrateur, le lecteur est plongé dans cet état sujet aux tensions que nous savons et permet d'entrer dans l'intimité de ces personnages.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 9 janvier 2021