Je ne verrai pas Okinawa
de Aurélia Aurita

critiqué par Sahkti, le 9 octobre 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Mon royaume pour un visa
Au début 2008, Aurélia Aurita, d'origine cambodgienne, se rend au Japon afin d'y retrouver son compagnon, Frédéric Boilet, et de s'imprégner une fois de plus de la culture de ce pays qu'elle aime tant.
A son arrivée au contrôle des passeports, elle est conduite dans une pièce, puis une autre et passe des heures à attendre, subissant les foudres kafkaïennes d'une administration qui dit accepter les touristes mais opère des contrôles incroyables au nom de la lutte contre le terrorisme (elle a vraiment bon dos, cette lutte!).
On lui reproche d'effectuer régulièrement des séjours de trois mois et l'immigration se demande ce qu'elle peut bien tramer. Elle a beau expliquer qu'elle vient y voir l'homme qu'elle aime, qu'elle est également dessinatrice de manga, qu'elle aime la culture japonaise et ne cherche en aucun cas un travail, puisqu'elle a assez de ressources pour tenir pendant ces périodes japonaises, rien à faire. L'administration lui refuse tout dialogue et après des heures de palabres, accepte de lui délivrer un visa de trois mois à condition qu'elle ne reste en réalité qu'un mois. Et attention si elle tente de faillir à cette promesse, ils ont ses coordonnées sur place et n'hésiteront pas à l'arrêter, le cas échéant.

Humiliations, brimades, surréalisme et absurdité sont le lot de cette journée folle qu'Aurélia Aurita nous raconte en cases, à travers le personnage de Chenda, avec beaucoup de finesse et de drôlerie. Le lecteur est rapidement imprégné de la tension qui s'est emparée d'elle. Il subit également, à travers chaque image, les difficultés d'un dialogue de sourds et ressent cette envie viscérale d'enfin avoir un visa pour retrouver l'homme qu'on aime.
Tout cela est subtilement et adroitement esquissé; tout est dit et Aurélia Aurita dispose de ce talent de tout faire comprendre en quelques mots.
Son talent mûrit au fil des ouvrages et celui-ci est un petit moment de bonheur, tant il regorge d'humanité et de justesse. Cette humanité dont semble bien dépourvue l'administration chargée du contrôle de l'immigration...