La guerre des Sambre, tome 1 - Hugo & Iris: Printemps 1830, le mariage d'Hugo
de Bernard Yslaire (Scénario), Jean Bastide (Dessin), Vincent Mézil (Dessin)

critiqué par Stavroguine, le 17 octobre 2008
(Paris - 40 ans)


La note:  étoiles
Littérature dessinée
C'est le médaillon sépia qui s'affiche en couverture, devant ce regard tendre, qui m'a d'abord intrigué. Je ne connaissais rien à la saga des Sambres et ces portraits évoquaient plus en moi les grands classiques de la littérature française qu'une saga de bande dessinée.
En tournant cette belle couverture, ma première impression - bonne - se vit confirmée. Les dessins sont magnifiques et contribuent à nous plonger dans cette saga familiale qui se pose dans un climat que n'auraient sûrement pas renié les Stendhal et les Balzac.
Au dos, un arbre généalogique nous expose les différentes branches de la famille Sambre. Dans quelques instants, nous feuilletteront l'histoire de la deuxième génération. Celle d'Hugo et Iris. Elle commence tristement. Un mariage forcé par les convenances. Tous deux sont jeunes, beaux, issues de bonnes familles bourgeoises provinciales. Autour d'un banquet ensoleillé, de loin, tout semble idyllique. Puis, le dessin - ce splendide dessin, fait d'ombres rouges et brunes, et noires - se rapproche et nous découvre un marié morose que ne parvient pas à attendrir la douceur d'une jeune épouse dont la beauté réveille la lubricité de son beau-père. Comme dans, semble-t-il, toutes les grandes familles du 19è, derrière un fin vernis doré se cachent de bien sombres secrets.
Ce sont ceux-ci que l'on découvre au fil des pages. Les raisons de ce mariage, tout d'abord. Puis les conséquences d'une dote minière qui révélera les élans humanistes du froid Hugo, jusqu'à le faire brûler de passion pour une actrice aux yeux rouges, source ou fruit d'une étrange malédiction...

Dès ce premier tome, on comprend qu'on est devant une grande BD. Son intrigue, fortement inspirée des grands classiques de la littérature française du 19è siècle, est servie par un dessin somptueux, une véritable oeuvre d'art qui se dévoile à chaque nouvelle page dont on l'effeuille. Ceux qui ont aimé Sambre, découvriront certainement avec plaisir les origines de ceux dont ils suivent la vie depuis déjà cinq tomes. Quant aux autres qui, comme moi, découvriront les deux sagas via cette série, ils seront infailliblement conquis et se condamneront à ronger leur frein pour connaître la fin de l'aventure d'Hugo avant de s'intéresser à celle de ses descendants. A moins que, tout simplement, ils ne craquent et, faisant fi de toute contrainte chronologique, se précipitent sur une autre génération de Sambre pour assouvir leur soif et avoir de quoi patienter jusqu'à la sortie des tomes suivants, qu'on ne peut qu'attendre avec une impatience frénétique.
En rouge et noir 8 étoiles

Yslaire nous avait ravi avec la saga des Sambre. Et c’est avec une forme de préquelle qu’il nous revient. Ce nouveau cycle est en effet chronologiquement antérieur aux cinq tomes qui composent cette excellente série. Mais c'est sans doute ce cycle qui va donner tout son sens à l'histoire dans son ensemble. Dans ce nouveau chapitre, Yslaire nous transporte en 1830, à la veille de la révolution belge. Hugo Sambre est contraint d’épouser Blanche Dessang à la fois pour préserver l’honneur de cette dernière mais surtout pour sortir d’une situation financière épineuse. Il reçoit en dot une mine de charbon qu’il a l’intention de vendre. Suite à un accident minier, Hugo fait une découverte qui ébranle toutes ses certitudes. Lui, d’habitude si impassible s’anime soudain pour une cause dont on ne perçoit pas encore la nature exacte, risquant même de s’opposer ouvertement à son père, débauché notoire. Tout juste sait-on que la couleur des yeux recèle un mystère qui reste encore obscur pour le lecteur.

Yslaire s’impose encore une fois comme le maître du tragique. Les couleurs si spécifiques, l’expressivité des visages, les situations malsaines et mal vécues,… tout contribue à plomber l’atmosphère. Le graphisme est plus abouti que dans la série Sambre. On y trouve plus d’ombres, plus d’élégance et de finesse. Yslaire n’y a cette fois pas mis sa petite touche puisqu’il se maintient dans le rôle du scénariste.

Alors que dans "Sambre", le personnage de Blanche était particulièrement antipathique, on la voit ici sous un tout autre angle. On comprend que son passé et l'amour non partagé qu'elle avait pour Hugo ont contribué à forger sa personnalité dure, intransigeante et possessive. Sans l'excuser, on n’éprouve pas moins de la pitié pour elle, de l’empathie même. On retient son souffle devant certaines déclarations, on attend des réactions virulentes, on ressent l’esprit torturé de Hugo, sa révolte, son impuissance, ses passions soudaines. On s’interroge sur l’avenir de cet homme qui croit son destin tout tracé. Une réussite.

Miss teigne - - 43 ans - 10 avril 2009