Mon enfance en Allemagne nazie
de Ilse Koehn

critiqué par Smokey, le 19 octobre 2008
(Zone 51, Lille - 38 ans)


La note:  étoiles
Mischling en 1935...
Ilse Koehn a 6 ans en 1935. Son père est fils de mère juive et de père allemand. D'après les nouvelles lois, il est classé "mischling premier degré". Ilse, sa fille, devient "mischling, second degré" ( mischling est une expression allemande signifiant sang mêlé). Afin de protéger son avenir, ses parents divorcent et Ilse se retrouve avec son père et sa grand-mère juive.

La pression des nazis contre les juifs devient de plus en plus lourde et Ilse doit rejoindre sa mère. Bientôt, l'Allemagne entre en guerre. La propagande nazie s'introduit dans les écoles: "L'Allemagne protège sa jeunesse, son avenir". Enrôlée dans les jeunesses hitlériennes contre sa volonté, Ilse connaît trois camps de jeunesse, au troisième, elle s'enfuit avec son père. La guerre n'étant pas encore finie, elle dut retourner à l'école. Puis la guerre prit fin et lorsque les russes arrivèrent, Ilse et sa mère ( mutti) durent se cacher pendant un mois dans le toit de l'étable des grands-parents.

Puis prend la fin de la guerre et là je vous laisse le suspense...

Je crois que ce livre est le premier que j'ai lu sur la seconde guerre, j'avais vraiment aimé la façon dont était construite l'histoire, par période, comme si Koehn découpait des articles dans un journal de l'époque tout en ajoutant de nombreuses anecdotes sur ses conditions de vie pendant la guerre.

Ilse Koehn nous raconte son existence des premières lois antisémites jusqu'à la débâcle finale où, dans Berlin en flammes, les enfants se quittaient le soir en se disant " Reste en vie".
Bouleversant 9 étoiles

Ce récit publié par l'Ecole des loisirs, c'est dans la section jeunesse de ma bibliothèque que je l'ai découvert. J'aurais été bien bête de me priver de cette lecture sous prétexte qu'elle était avant tout adressée a des enfants.
Le témoignage d'Ilse Koehn est d'une force exceptionnelle. L'écriture, quasi journalistique mais pleine d’émotion, permet une immersion facile et immédiate dans le récit, et le fait qu'il s'agisse de souvenirs d'enfance, donc de faits réels et non romancés a accru mon intérêt.
Ilse Koehn n’était pas une enfant tout à fait comme les autres cependant. Un père farouchement anti-nazi, des grands parents maternels habités par un bon sens terrien et qui subissent sans y prendre la moindre part cette guerre insensée... personne, dans son entourage, n'est tombé dans la folie du nazisme, personne ne s'est laissé endoctriner. La petite Ilse, ballotée entre son père et sa mère, entre l’école et les camps des jeunesses hitlériennes, traverse la guerre en posant sur les gens et les évènements un regard d'une étonnante lucidité et d'une grande intelligence.
Tout en nous enseignant une foule de choses sur le quotidien terrifiant des allemands pendant la guerre (oui, leur vie était terrible et misérable...) ce récit est aussi celui du passage de l'enfance à l'adolescence. Au début de la guerre Ilse est encore une enfant, lorsque celle-ci s’achève, elle est presque une adulte.
J'ai été saisie, sidérée, par la lecture de ce livre, tout comme je l'avais été avec "Seul dans Berlin" de Hans Fallada.
Je n'avais pas imaginé à quel point le peuple allemand avait pu être asservi par le régime, dans quelle misère et dans quelle terreur les gens avaient pu vivre. J'ignorais ce qu'avait été l'entrée des russes dans Berlin. (Ce récit réalise à ce propos la prouesse de ne rien éluder tout en n'étant jamais trop cru pour ses lecteurs les plus jeunes.)
Un grand livre donc, qui a le talent de conter avec simplicité, pudeur et dignité ce qu'est le quotidien dans un monde qui perd la raison, et comment, envers et contre tout, la vie continue.

Valadon - Paris - 43 ans - 30 novembre 2013