L'Eclipse
de Serge Rezvani

critiqué par Donatien, le 23 octobre 2008
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
"Non, pas ça! Non,non, pas cet oubli"
Alors que je fouillais les rayons de la plus grande bouquinerie de Bruxelles, j'ai eu l'attention attirée par ce livre de Serge Rezvani, intitulé "L'éclipse".

Il y a une trentaine d'années, j'avais été enthousiasmé par son livre "Les années-Lula". Il faisait partager les joies et éblouissements de l'amour fou dans les colllines des Maures (Côte d'Azur).

Hommage était rendu à sa compagne Danièle, baptisée Lula qu'il décrivait comme une femme-poème.
J'en avais gardé un souvenir marquant grâce à l'efficacité de son style à faire partager l'ivresse de la femme aimée, envers et contre tout. Rien que le soleil et l'amour!
Lula, bien que magnifiquement faite de chair et d'os , faisait dès lors partie, pour moi, de toutes les grandes amoureuses de la littérature telles Mona, Ariane, Nana, Emma...

Or, lisant la quatrième de couverture, j'appris que Lula était victime de la maladie d'Alzheimer!
J'étais attèré! Comment un couple aussi fusionnel pouvait résister à la terrible maladie? Comment allait réagir Serge Rezvani devenant comme il le dit "le prisonnier-servant de cette situation"?
Le caractère effrayant de cette affection fait qu'actuellement le corps médical et les familles sont désemparées. Devoir vivre constamment dans la peur et l'anxiété est intenable à long terme. Que faire? Comment faire?
La fuite et le désespoir ou le dévouement et l'abnégation! Que ferions-nous?
C'est pour cela que témoignage de Serge Rezvani est pénible et émouvant.
Le 11 août 1999, lors d'une éclipse solaire, le diagnostic de cette maladie est confirmé.
Après 50 ans d'absolu bonheur, il ne veut rien accepter. Rien. Il veut aider Lula à rester vivante. Il veut sauver la "femme neuronale" puisque ce sont les neurones qui créent le sublime et l'amour.

Il refuse de faire appel aux "terrifiants névrosés que sont tous les neuropsychiatres" ou aux maisons spécialisées qui sont "des tombeaux-poubelles où l'on jette ceux que l'on a aimés'".

C'est le combat par l'écriture qui nous est confié par Rezvani. Donc, principalement du point de vue du conjoint préservé. C'est l'autre, le proche dont les facultés n'ont pas régressé qui souffre d'être témoin d'une si épouvantable perte. Tout disparaît, la sensualité, le regard, l'écriture, le langage.

Mais en 2003, il doit constater que Lula a perdu la bataille. "Où est-elle? Est-il possible qu'elle soit vaincue? Je lui dois, je me dois d'arrêter ce témoignage avant la trahison physiologique. Non, je n'irai pas plus loin.".

Lula disparaît en 2004.

ADIEU LULA.