Séraphine : De la peinture à la folie de Alain Vircondelet

Séraphine : De la peinture à la folie de Alain Vircondelet

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Arts (peinture, sculpture, etc...)

Critiqué par Shelton, le 29 octobre 2008 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 894ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Un véritable destin !

Alain Vircondelet, écrivain-biographe que certains ont probablement découvert en lisant ses textes sur Margueritte Duras, Saint-Exupéry ou Jean-Paul II, a commencé, un jour, par une thèse de troisième cycle d’histoire de l’art sur une certaine Séraphine Louis, plus connue, encore que tout soit relatif, sous le nom de Séraphine de Senlis, peintre naïve, primitive comme dirait Wilhelm Uhde…
Il nous propose un ouvrage qui n’est pas une synthèse ou une vulgarisation de son travail universitaire mais un texte entre biographie, réflexion artistique et mystique et admiration profonde… Une sorte de grande réhabilitation au moment où une exposition lui est consacrée et qu’une actrice, Yolande Moreau, a relevé le défi de l’incarner au cinéma dans un très beau film de Martin Prévost.
Paysanne, femme de ménage, simplette, assidue d’un couvent de religieuse, peintre… Tous ces attributs peuvent lui correspondre et pourtant elle aussi femme, amoureuse de la nature, et folle…
Qui fut, réellement, Séraphine ? Personne ne peut répondre avec certitude. Wilhelm Uhde, un marchand d’art célèbre qui avait découvert de nombreux artistes, en fut le révélateur : pensez donc, Séraphine était sa femme de ménage. Mais autant il était tombé sous le charme de ses fleurs, de sa nature fantastique, autant il lui était impossible de la comprendre… Séraphine était un mystère, y compris pour elle-même. Sa vie était animée par ses voix, ses contacts avec la Vierge, son ange gardien, la divinité, le mystique, le sacré…
Cet ouvrage nous fait entrer au contact de la création artistique qui est, elle-aussi, un mystère : pourquoi certains se mettent-ils à créer, pourquoi sont-ils parfois compris et trop souvent incompris ? Pour cet allemand homosexuel, juif d’origine, qui avait déjà fréquenté les peintures de Picasso et du Douanier Rousseau, tombe-t-il sous le charme des grandes fleurs de Séraphine qui semblent sorties d’une hallucination mystique, colorées de façon surréaliste, animées à tel point que l’on pourrait avoir peur de les cueillir ?
Wilhelm Uhde ne pourra mener à bien son travail avec Séraphine car la Grande Guerre de 14-18, puis la crise financière, vont lui donner d’autres soucis qui se prolongeront avec la haine des nazis pour des gens comme lui, les défenseurs de l’art dégénéré…
Séraphine tombera dans la folie en 1930, sera internée et décèdera en 1942 dans un asile. Elle sera enterrée dans une fosse commune, dans l’oubli de tous, sauf de Wilhelm qui fera tout pour que son quotidien soit amélioré.
Si, aujourd’hui, cette artiste est encore connue de certains, si on expose ses toiles les plus spectaculaires, c’est grâce à Wilhelm. Pourtant, lors de l’avènement des nazis en Allemagne et de l’occupation de la France, plusieurs toiles de Séraphine furent brûlées…
Pour clore cette évocation et la présentation rapide de ce livre que j’ai adoré, je ne peux pas résister à vous citer les dernières lignes de Vircondelet :
« Et au-delà encore des chefs-d’œuvre que Séraphine conçut, c’est à elle, la petite bergère des champs d’Arçy, qu’on pense, à celle qui sut transformer sa «vie minuscule» en destin grâce à la peinture, et qui mourut croyant enfanter des jumeaux, affamée, dans sa ville occupée par ceux qui traquaient ses fleurs gothiques au nom de l’«art dégénéré».
Et l’on comprend mieux, alors, s’il en était encore besoin, qui étaient les vrais fous. »

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Bonne, peintre naïve, puis aliénée

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 18 septembre 2019

Les tableaux de cette peintre s'avèrent aussi énigmatiques que son existence. Ses arbres et feuillages paraissent rayonner par un bruissement vivace, comme en perpétuel mouvement, de même que ses fruits, à la lisière du réalisme, portent avec vigueur leurs rondeurs et couleurs. Une force s'en émane, à l'instar celles qui habitent cette domestique rurale qui pressent être investie d'une mission divine divulguée par des voix et la visite d'anges. Rien ne prédisposait cette modeste bonne dénuée de culture à s'adonner à cette passion dévorante pour la peinture, répondant à une vocation mystique, tenant de plus en plus du délire au fil des ans, ce qui a valu son internement en hôpital psychiatrique, où elle a fini sa vie.

Cette personnalité éminemment mystérieuse a fortement intrigué, à juste titre. Aussi ce spécialiste de la biographie, de l'histoire de l'art et de la littérature s'est-il presque inévitablement penché sur ce cas qui a engendré des natures-mortes si chargées de vie. Le ton reste réaliste et bienveillant, malgré le halo d'incompréhension face à la pathologie de l'intéressée. L'attachement se mêle inéluctablement à une forme de pitié. Une distance pudique est nécessairement et heureusement opérée pour relater le déroulement de son existence, pour mieux restituer l'intrigue de ses sources d'inspiration. Le traitement du sujet m'a donc semblé opportun et juste, dénué d'enjolivement ou de plongée dans le glauque.
Cette biographie est donc aussi intéressante qu'intrigante.

La «sans rivâle»

7 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 9 juillet 2011

Sans rivâle, (avec un accent sur le a !) : ainsi, avec une certaine fatuité, signait Séraphine dans les nombreux écrits qu’elle a laissés dans la dernière partie de sa vie et qui sont recensés dans cet ouvrage. Sans rivale… et pour cause, puisque, du temps où elle avait encore (presque) toute sa tête, elle se disait être dans ses tableaux le simple instrument du «Bon Dieu» et de la «Bonne Mère». Une inspiration de l’Au-delà que très peu d’artistes peuvent revendiquer !
Un cas de peinture spontanée, selon l’expression de Françoise Cloarec, psychanalyste et peintre, dans «la vie rêvée de Séraphine de Senlis» (cf le commentaire sur ce site) ; la preuve vivante, selon André Breton de ses théories sur le dessin automatique.
Ici, Alain Vircondelet, toujours aussi lyrique, voire parfois un peu exalté, rend parfaitement bien l’état d’extase mystique de cette humble servante, élue parmi ces petits, ces pauvres auxquels se réfère l’Evangile et qu'il décrit en ces termes «Elle est Marie, mais aussi Marthe de la parabole, celle qui sert et accomplit les plus insignifiants mais nécessaires travaux de la maison»
Et d’ajouter «Sa manière de parler avec la Vierge relève du même mystère que celui de Bernadette», tant Alain Vircondelet aime mêler dans ses ouvrages les destins des différents personnages qu’il a pu étudier au cours de son imposante carrière de biographe.
Pour lui, les peintures de Séraphine sont une véritable prière, une réponse aux voix qu’elle entend ; ainsi l'imagine-t-il, déclarer à la Vierge Marie «Sois remerciée de cette nouvelle toile. Car c’est toi qui l’as conçue, toi qui me l’as soufflée. Comment pourrait-il en être autrement ? Je n’ai rien fait que de tenir le pinceau. Rien fait que de te suivre»
Enfin lorsqu’il commente ainsi les séances de peinture «il se joue dans sa chambre une sorte d’eucharistie dont le mystère, digne d’une transsubstantiation doit rester entier», ces paroles émanent à l’évidence d’un écrivain très engagé dans la religion, d’une foi et d’une conviction profondes ; mais, ce discours n'est pas accessible à tout le monde, tant s'en faut !
Un livre en tout cas très inspiré, lui aussi qui, sous ces quelques réserves, est fort bien écrit et documenté.

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  Séraphine (le film): plagiat ? 21 Sahkti 23 septembre 2009 @ 11:13

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