Le canard sauvage
de Henrik Ibsen

critiqué par Feint, le 1 novembre 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Une « fièvre de probité »
Un homme, Hjalmar, a sa vie fondée sur un mensonge. Un autre, Gregers, par souci de la vérité, par estime pour le premier, qu’il considère comme son ami et comme un homme d’envergure, veut le détromper, lui ouvrir les yeux. C’est beau comme une théorie. Dans la réalité, Gregers est un imbécile dangereux ; Hjalmar, un imbécile qu’on aime bien quand même parce qu’il est lui-même aimé, au moins par sa fille, Hedvig, quatorze ans – hélas.
Le Canard sauvage est une pièce étrange. Tardive dans l’œuvre d’Ibsen, elle évoque par certains côtés, par son intrigue resserrée dans le temps, par son espace confiné, des pièces plus classiques comme Une maison de poupée ou Hedda Gabler – même si là, on sort, dès la fin du premier acte, du milieu bourgeois dans lequel se situent ces pièces ; par d’autres côtés, par l’irruption de l’imaginaire surtout, elle fait aussi penser à Peer Gynt. Mais c’est désormais un imaginaire étriqué, en conserve, loin des paysages grandioses où Peer se fiance à la fille du roi des Trolls ; d’ailleurs, cet imaginaire, il est là, on peut y aller, juste derrière la porte, au fond de l’atelier du photographe Hjalmar : un grenier où, avec son père quasi sénile, il élève des poules, des lapins et le canard sauvage du titre – qui ne l’est plus ; parmi les sapins desséchés des Noël précédents. Forêt factice où le père chasse au pistolet, accompagné de son fils.
Le dénouement, que l’on devine très vite tragique, le sera d’autant plus par son absurdité. Un personnage, le docteur Relling, apôtre du « mensonge vital », peut passer pour une sorte de porte-parole de l’auteur. Ibsen en fait un ivrogne, un débauché. Dérision. Tristesse.