Intérieur Sud de Bertrand Visage

Intérieur Sud de Bertrand Visage

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Feint, le 2 novembre 2008 (Inscrit le 21 mars 2006, 61 ans)
La note : 8 étoiles
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Retour en Sicile

Bertrand Visage renoue avec la Sicile, où il a vécu, et situé plusieurs romans déjà anciens : notamment Tous les soleils et Angelica. Angelica justement, difficile ne pas y penser à la lecture des premières pages d’Intérieur Sud, la découverte sur une plage hivernale par un trio de fillettes du corps d’un homme massacré, gonflé et bleuis, aux dents brisés. Merveilleux jouet qu’elles traînent dans un hangar à bateaux. Sauf que là, contrairement à Angelica, le corps massacré n’est pas un cadavre. Il ne restera pas anonyme non plus : c’est celui d’Arturo Straniero, qui devient le personnage principal du roman. Soigné sans plus d’explications qu’il n’en a eu lors de son agression, à peine capable de tenir debout, il est expédié au Chili, comme un colis. On le retrouve huit ans plus tard, de retour à Catane, désireux de renouer avec Veronica, la fille avec laquelle il a vécu durant six mois, huit ans plus tôt, et dont la famille, gangsters notoires aujourd’hui disparus, est probablement à l’origine de l’agression d’Arturo – peut-être, sait-on jamais, avec l’accord tacite de Veronica. Là, de nouveau, un beau moment dans ce roman : celui où Arturo, profitant de l’absence de Veronica en voyage, s’installe chez elle à son insu, dans ce logement qu’ils ont partagé autrefois. On voit le personnage, comme décollé de la réalité, se mettre à vivre pour de vrai sa vie imaginaire, comme si de rien n’était, parvenant sans peine à persuader ses « merveilleux voisins » (pour lesquels il organise même un dîner dans la cour de l’immeuble !) qu’il fait de nouveau vraiment partie de la vie d’une Veronica dont le retour, imminent, apparaît de plus en plus comme une menace.
Une façon de traiter le personnage à distance, surtout vers le début du roman, offre de jolies surprises, parfois cocasses. Il y a aussi la manière dont les choses se passent, autrement qu’elles ne le devraient, échappant finalement à Arturo, notamment par l’irruption d’une autre femme, tombée du ciel, ou presque – irruption d’une autre histoire aussi, une manière de rappeler à Arturo qu’il n’est pas seul à vivre. Et l’écriture, cette manière de faire parler comparaisons et métaphores, qui ne sont pas ici les figures obligées qu’elles peuvent être chez d’autres (et notamment ces allusions discrètes et récurrentes, Sicile oblige, à la violence aveugle du Cyclope). Et puis une fin ouverte, car l’auteur ne se prend pas pour Dieu, ce n’est quand même pas lui qui va tout décider. Tout cela fait de ce livre un vrai roman de qualité et une agréable lecture, un peu rapide peut-être ; c’est vrai qu’il manque peut-être encore quelque chose dans le projet, je ne sais trop quoi, pour que mon plaisir soit parfait ; mais bon, tout de même il est là, le plaisir, ne le boudons pas !

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Les éditions

  • Intérieur Sud [Texte imprimé], roman Bertrand Visage
    de Visage, Bertrand
    Seuil
    ISBN : 9782020609234 ; 16,20 € ; 03/01/2008 ; 186 p. ; Broché
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