Le voyage dans le passé de Stefan Zweig

Le voyage dans le passé de Stefan Zweig
( Widerstand der Wirklichkeit)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Babsid, le 10 novembre 2008 (La Varenne St Hilaire, Inscrite le 8 mai 2006, 37 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 15 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (350ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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"Deux spectres ont évoqué le passé"

Zweig est né en Autriche en 1881 et mort au Brésil en 1942. Cette nouvelle est restée inédite jusqu’à nos jours mis à part un fragment publié en 1929. Les Editions Grasset ont eu la bonne idée de nous la faire connaître. Certains étaient surement sceptiques, un inédit de Stefan Zweig ne se trouve pas tous les jours. Pourtant cette histoire est magnifique.

Lui a réussi par son travail et sa volonté, le tout animé par sa rancœur envers ceux qui ont ce que lui n’a pas. C’est un orgueilleux. Une sorte de Rastignac moderne, le cynisme en moins.
Elle est généreuse, bienveillante mais mère et mariée à son protecteur.

Au moment où son ambition est enfin satisfaite, il se rend compte de ses sentiments pour la première fois. Le tout est dit dans une langue puissante et évocatrice que nous n’utilisons plus de nos jours. Sans faire de phrases ronflantes et creuses, Zweig exprime des sentiments forts et suscite des images neuves et belles, sur un sujet pourtant largement abordé. (Aller voir du côté de la page 36)

Le destin les sépare, d’une guerre, d’un océan, d’un silence.

Lorsqu’ils se trouvent, ils sont d’abord courtois avant que leurs sentiments ne se rappellent à eux. Pourtant, tout à l’évocation de ces souvenirs, ils ne voient pas que leur rêve se brise contre la réalité. Vient alors le moment de la prise de conscience. Le passé ne se revit pas. Le temps change les choses et les gens. Il ne nous reste alors que le passé.


Ce texte jamais traduit en français est bouleversant. Ce pourrait être une histoire de plus sur l’amour, la séparation et les retrouvailles mais non, il les éclipse tous. Rien de neuf dans le sujet, pas de surprise sauf cette prose. Quelle prose ! Zweig a l’art de décrire des retrouvailles passionnées avec des mots simples. Par petites touches, transparaissent les occasions manquées et l’attente de l’autre.
L’on sent bien l’influence d’un Balzac ou d’un Flaubert mais cela enrichit son texte et ne le déprécie pas.

Pour les germanophiles, la nouvelle est immédiatement suivie du texte original en allemand.
Cette nouvelle est par définition courte mais à lire absolument. Un véritable coup de coeur.

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Encore de forts sentiments!

8 étoiles

Critique de Gregou (, Inscrit le 20 février 2013, 38 ans) - 10 mars 2017

Stefan Zweig réussit une nouvelle fois à retranscrire les sentiments puissants qu'un homme ressent à l'égard de la femme de son riche patron d'entreprise. Il décrit superbement la distance entre un homme qui est en Amérique et sa maîtresse en Autriche. Les mots sont sublimement choisis par Zweig, il fait ressortir toute l'intensité du désir, du ressenti des personnages. D'autre part, il dénonce l'absurdité de la guerre et à quel point elle peut détruire les hommes. Encore une très belle lecture de l'autrichien Zweig, c'est un maître du sentimental.

La guerre qui nous sépare

8 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 28 janvier 2017

Stefan Zweig reste au sommet de CL en raison à la fois de la quantité et de la qualité de ses œuvres et aussi bien entendu grâce à son style remarquable qui fait la jonction entre le 19ème et le 20ème siècle.

Le lecteur n’a jamais le temps de se lasser et ses récits denses et profonds qui tournent souvent autour des conséquences de la guerre qui anéantit des destins, l’amitié et l’amour.

Un auteur germanophone qui n’est pas assez mis en avant dans le monde francophone alors qu’il était pourtant un grand francophile.

L'amour face au temps

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 28 avril 2015

Comme dans toute comédie sentimentale deux êtres qui s'aiment sont séparés par les circonstances. Et comme dans toute comédie sentimentale il leur est donné de se retrouver. Mais la subtilité et l'écriture de Zweig rendent cette nouvelle plus poignante, plus profonde. Les évidences se teintent d’amertume. Il est difficile de courber le temps.

Une des nouvelles les plus émouvantes de Zweig.

Ne pas regarder en arrière

8 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 6 avril 2014

Cette nouvelle met en scène l’impossibilité d’essayer de faire revivre les sentiments du passé. Le temps n’a qu’une direction et il est souvent vain d’essayer de revenir en arrière pour reprendre un embranchement délaissé. Les protagonistes ne peuvent alors que s’apercevoir de la distance qui s’est creusée. Et ils hésitent à combler ce vide, les retrouvailles étant loin de celles, idéalisées, qu’ils s’étaient maintes fois promises. Les fils épistolaires, s’ils ont maintenu une certaine proximité, ont transformé une relation. C’est cette nouvelle image de soi et de l’autre, celle de l’instant présent, que le sage accepte comme une révélation et sans vains regrets ;-)

Un ingénieur pauvre accepte de devenir le secrétaire particulier à domicile d’un riche industriel. Ce dernier, reconnaissant ses qualités et son ambition lui confie bientôt une mission de recherche minière au Mexique. Louis est désolé de partir car il est secrètement amoureux de la femme du Conseiller et il s’avère que ce sentiment est partagé. Et la vie poursuit son cheminement imprévu.

IF-0414-4206

Deux spectres cherchent le passé

8 étoiles

Critique de Jaafar Romanista (Rabat, Inscrit le 3 février 2013, 36 ans) - 24 juillet 2013

Un livre court mais tellement riche, une histoire d’amour entre un jeune homme et une femme mariée sans vivre pleinement l’amour, le déplacement en Mexique, la guerre mondiale, le temps et l’âge les séparent pour se retrouver enfin après neuf ans mais l’amour survit-il au temps ?
Une histoire bien écrite, belle et émouvante, une analyse psychologique du personnage principal, ses pensées, son état d’âme, ses émotions et ses sentiments.
Un très beau livre à lire absolument.

Fantômes d'amour

9 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 1 mars 2013

Intermédiaire par sa longueur entre la nouvelle et le roman, ce texte inédit de plus de 100 pages (tout de même !) m’apparaît comme le plus impalpable et intemporel qui soit, au cœur de l’œuvre romanesque de Stefan Zweig.
Deux raisons à cette particularité qui ajoute encore du charme à ces personnages évanescents auxquels tout un chacun peut un jour s’identifier, tant l’histoire est, en définitive, si banale, mais néanmoins si belle.

Tout d’abord, si l’auteur recourt encore ici largement au flash back, le récit enchâssé ne résulte pas, comme souvent chez cet auteur, d’une confidence chuchotée à mots couverts dans un coin secret ou à la faveur du crépuscule, mais du monologue auquel se livre chacun des deux protagonistes, sous la pression de leurs souvenirs et de leurs rêves inaccomplis.

Seul élément palpable et réel dans ce récit : ce train qu’ils prennent un jour, neuf ans après l’éclosion de leur amour, pour aller à Heidelberg à la recherche d’un but inaccessible, d’un aboutissement désormais impossible, le temps ayant accompli son travail de traître.
«Tout est comme autrefois sauf nous, sauf nous» déplore Louis, le personnage principal dont on n’apprend le prénom qu’à la page 65….

C’est d’ailleurs là le second élément déterminant relevé plus haut, l’anonymat de ce récit accentuant encore le caractère universel de la leçon à en tirer.

Le train de leur aventure est passé sans espoir de retour ; les deux héros sont saisis par «l’angoisse de l’accomplissement, ce frisson mystique qui vous prend, quand, soudain, ce à quoi on a infiniment inspiré devient palpable, s’approche d’un cœur qui n’ose y croire».

Si Zweig, fait référence à la fin de ce «voyage», avec ces «deux spectres», à un poème de Verlaine, en l’écorchant quelque peu au passage, ainsi que le mentionne le traducteur, je pense aussi à cet autre poète éternel que fut Ronsard et à sa phrase célèbre «cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie».

Intemporalité

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 2 novembre 2010

Intemporalité totale pour ce court roman de Stefan Zweig. Qu’importe la période où il a été écrit. Ce n’est pas tant l’histoire qu’il raconte, et donc les éléments connotés historiquement inévitablement liés à une histoire, c’est bien le thème qui est la vedette. Et ce thème, c’est celui de l’obsolescence inévitable de l’amour.
Louis, jeune homme pauvre mais du genre méritant, entre au service d’un couple riche. Lui, « Conseiller », responsable d’une entreprise de Chimie, est marié à une femme plus jeune. Louis, acharné à réussir pour ne plus connaître la pauvreté, tombe amoureux de cette femme sans qu’ils y soient réellement pour quelque chose. Choisit-on de tomber amoureux et de qui ?
Toujours est-il qu’à peine ces deux là se rendent compte de l’amour qui leur est tombé dessus – et qui leur est interdit – que l’ambition de Louis va l’éloigner de cet amour. Le « Conseiller » en effet a besoin d’un homme de confiance pour développer ses affaires au Mexique. C’est Louis qu’il a choisi et Louis ne peut refuser ce qui pourrait s’assimiler à la réussite totale pour lui. Louis ne refuse pas, part, loin, longtemps, et les deux restent persuadés de toujours s’aimer. C’est la suite qui constitue en fait la chair du « voyage dans le passé ». C’est l’analyse par Stefan Zweig de ce que peut devenir l’amour. Ou certainement, à ses yeux, de ce que devient l’amour.

“Les dix jours qui les séparaient du départ, ils les passèrent tous deux dans un état de continuelle et grisante frénésie. La soudaine explosion des sentiments qu'ils s'étaient avoués, par l'immense puissance de son souffle, avait fait voler en éclat toutes les digues et barrières, toutes les convenances et les précautions : comme des animaux, brûlants et avides, ils tombaient dans les bras l'un de l'autre quand ils se croisaient dans un couloir obscur, derrière une porte, dans un coin, profitant de deux minutes volées ; la main voulait sentir la main, la lèvre la lèvre, le sang inquiet sentir son frère, tout s'enfiévrait de tout, chaque nerf brûlait de sentir contre lui le pied, la main, la robe, une partie vivante, n'importe laquelle, d'un corps qui se languissait de lui.”

Louis restera longtemps au Mexique. Louis reviendra … Et Stefan Zweig démonte les ressorts psychologiques du couple informé et de ce qu’il va devenir. Une analyse clinique, blanche et froide, des sentiments, de la sentimentalité.
Intemporel. Indéniablement.

La magie d'une plume.

8 étoiles

Critique de Felicity11 (Bruxelles, Inscrite le 12 décembre 2007, 32 ans) - 27 septembre 2010

Je suis entièrement d'accord avec la critique de Babsid. Voilà une histoire d'amour banale comme on en a trop souvent lues ou entendues, un thème tellement de fois abordé qu'il aurait pu être ronflant d'ennui. Et pourtant, cette nouvelle nous enchante grâce à la plume de Zweig qui sait donner vie aux sensations avec, pour seule arme, les mots. Dans un style fluide, il nous montre avec talent la passion, les conséquences du temps qui passe, les cendres d'un passé qui ne reviendra pas, les regrets.
Tout l'enchantement de cette nouvelle vient de la plume de l'auteur.

Juste et délicat

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 10 mars 2010

Une histoire agréable qui, même avec la soixantaine d'années qui nous sépare des faits, réussit à nous faire partager les sentiments de deux êtres amoureux qui se retrouvent après 9 ans de séparation.

Histoire sur le temps qui passe et qui sublime les rêves, transforme les images, donne la tentation de pouvoir faire "comme avant",
puis la cruelle désillusion que cet espoir est vain et qu'un retour en arrière n'est jamais possible.

Que reste-t-il de nos amours ?

8 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 2 octobre 2009

Séparé puis réuni, un couple tente de faire revivre un amour passé. La communion intellectuelle qui a été la leur pendant des années n'a d'égale que l'échec de la possession physique si longtemps rêvée.

Zweig met en oeuvre une langue riche et une syntaxe recherchée aptes à communiquer les sentiments dans toute leur complexité et à faire ressentir toutes les nuances des ambiances et des décors. C'est bouleversant dans les dits et les non dits, avec une fois de plus un beau personnage de femme.
La brièveté de la nouvelle fait toute son efficacité. C'est juste dommage que l'éditeur tente de faire croire à un vrai roman en avec ce volume imprimé gros et complété la version allemande pour l'épaissir encore.

Quelle noblesse

9 étoiles

Critique de Maylany (, Inscrite le 11 novembre 2007, 44 ans) - 10 juillet 2009

Très courte nouvelle où l'on reconnait cependant nettement la plume de Zweig ainsi que son admiration pour la gent féminine et les sentimentalités au travers de sa mise sur un piédestal.

L'histoire est très bien écrite et emporte le lecteur dans ses différentes phases et rebondissements sans savoir en devancer la suite. Les caractéristiques, émotions et pensées des personnages sont tout à fait bien définis par l'auteur et donc cernables par le lecteur. On ressent une certaine noblesse qui émane des sentiments des amoureux et de leur être dans sa globalité.

Dommage que ce dernier texte publié après tant d'années nous laisse un tel goût de trop peu et d'envie d'encore … n'y aurait-il pas encore un manuscrit à retrouver ?

amour toujours

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 27 juin 2009

Un homme, une femme se sont aimés et se retrouvent après neuf longues années d'absence, sur fond de manifestations nazies. Un amour de Zweig, remarquablement traduit. À déguster et comparer aux fades bluettes sex and sun d'aujourd'hui...

Encore une fois sublime : du Zweig pur sucre

10 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 1 janvier 2009

Une nouvelle fois, Stefan Zweig narre une histoire d'amour, mais via le rapport du narrateur omniscient extérieur, contrairement à Vingt-quatre heures dans la vie d'une femme, Lettre d'une inconnue ou la Confusion des sentiments.
Ce récit met en scène un arriviste tourmenté et rancunier, brûlant d'amour presque en silence, relation qu'il partage entièrement, aussi bien sur le plan sentimental que de la communication. Et c'est ce souci dans l'échange qui s'avère - selon moi - être le problème majeur de ce couple. L'éloignement prolongé pendant ces deux années rend certes amère cette relation au retour, mais cette incommunicabilité a envenimé les choses avant l'heure.
L'analyse psychologique est, encore une fois, des plus fines, et au prix d'une économie de mots impressionnante.
Antonioni n'aurait pas dénigré cette histoire, qu'il aurait très bien pu adapter. La Nuit - La Notte - en est assez proche.
De plus, Stefan Zweig semble s'être fort imprégné du poème de Verlaine, dont il cite un extrait, dénommé Colloque sentimental.
Les germanistes pourront apprécier le texte originel.

Voilà encore une oeuvre remarquable de cet auteur, définitivement un de mes préférés.

Je remercie ma mère de me l'avoir donné à lire.

Encore de l'inédit ?

9 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 52 ans) - 28 décembre 2008

A peine cent pages, même si l’éditeur a réussi à nous vendre cette nouvelle au prix d’un petit roman en y ajoutant (excellente idée au demeurant) le texte original en allemand, ce voyage dans le passé nous donne à lire ou relire du pur Zweig, celui qui sait évoquer le sentiment avec toute sa force dans une pudeur extrême et où la suggestion l’emporte à l’explicitation.
Après neuf ans de séparation un homme et une femme , que tout séparait, se retrouvent. Avant qu’ils ne se quittent, ils se sont avoué leurs sentiments, sans les vivre pleinement et sans se les expliquer à eux-mêmes vraiment…
En neuf ans le temps a passé et que reste-t-il sauf ce souvenir d’une prémonition qu’au bord d’un lac, il y a près de 10 ans, l’aveuglement de l’iréel ne pouvait laisser percevoir et qui, tragiquement, se concrétise, telle la trahison d’un sentiment auquel on a tant voulu croire pour mieux survivre.

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