L'honneur perdu de Katharina Blum
de Heinrich Böll

critiqué par Tistou, le 13 novembre 2008
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Quand la Presse tue …
Ce roman est l’histoire malheureuse d’une jeune femme courageuse, Katharina Blum, peu gâtée par son ascendance et qui s’en sort à coup de volonté et de travail mais dont la vie est anéantie brutalement par les agissements d’une certaine presse ; (« Le Journal » dans le roman), presse à sensation qui par ses révélations tronquées pour être plus « croustillantes » ruinera son honneur et l’amènera à commetttre un meurtre.
En cela ce roman est aussi le procès de ce genre de presse dont Heinrich Böll, prix Nobel de Littérature, eût à souffrir. Nous parlons du « Bild » en l’occurrence.
Publié en 1974, ce roman apporte aussi des échos de la période de terrorisme qui régna en Allemagne à cette époque (les années de plomb) : Bande à Baader alias « Fraction Armée Rouge ».
La forme fut, parait-il, reprochée à Böll, lourde du fait que l’histoire se développe via la relation des interrogatoires que subit Katharina Blum après être allé déclarer son crime à la police, dès le début du roman. Ca ne me parait pas rédhibitoire et ça donne à Böll l’occasion de varier à plusieurs reprises l’angle d’attaque de la genèse du crime pour mieux mettre en évidence l’ignominie de Werner Tötges, le journaliste qui « perdra » l’honneur de Katharina Blum par son approche sensationnaliste de l’information, tronquée et manipulée.
L’atmosphère est globalement étouffante. Celle d’un monde petit-bourgeois poussiéreux qu’était apparemment celui de l’Allemagne début des années 1970. De la mesquinerie, de l’étroitesse d’esprit, Heinrich Böll nous démonte tout ceci avec une fiction qui tient du reportage. Très agréable à lire, loin de tout manichéisme.
Un enfer médiatique 7 étoiles

« Comment peut naître la violence et où elle peut conduire » tel est le sous-titre de ce roman.
Un sous titre qui, d'emblée, invite à considérer l'ouvrage comme une réflexion sur les causes de la violence et ses possibles conséquences .
De quelle violence s'agit-il ? De celle qu'a commise Katarina Blüm en tuant celui qui lui a fait perdre son honneur: un journaliste de la presse de caniveau .

Les faits sont les suivants : Katarina, employée de maison modèle, femme courageuse, discrète et rangée a passé la soirée et la nuit avec un homme dont elle ignorait qu'il était recherché par la police , lequel s'est enfui au petit matin. Lorsque la police prend d'assaut l'appartement de Katarina où il avait été repéré, les journalistes de la presse à sensation sont présents et prennent des photos de cette femme que la police arrête pour l'interroger.
Suite à une campagne de presse infamante basée sur une succession d'articles tendancieux déformant les propos de ses proches, elle va apparaître en quelques jours aux yeux du public comme une dangereuse terroriste, S'ensuit pour elle un véritable enfer médiatique .
Son honneur de femme irréprochable est perdu. Elle tire sur le journaliste responsable de l'indignité à laquelle elle se voit réduite et le tue.

Ce court roman se présente comme un compte rendu de l'affaire .
58 épisodes qui s'attachent à présenter toutes les étapes d'une enquête qui touche des personnes appartenant à différentes classes sociales, tant bourgeoises et installées que plus modestes .
Ses sources principales en sont indiquées dès les premières lignes : les procès verbaux des interrogatoires de la police, complétés par les déclarations du procureur et de l'avocat.
Son écriture est le plus souvent cele du constat, froid et sec et s'apparente à celle du repartage. Ne vous attendez pas à des effets de style, vous seriez déçus …..

Pourtant cet ouvrage n'est pas la relation d'un fait réel .
Heinrich Böll précise bien en avant propos que c'est un roman «  l'action et les personnages de ce récit sont imaginaires. » malgré l'evacation de pratiques journalistiques rappelant celles du journal BILD .

Il faut dire que Heinrich Böll en avait été lui-même victime lorsque 2 ans plus tôt, il avait dénoncé les mensonges que publiait ce journal à sensation à propos des membres de la Bande à Baader, mensonges qui entretenaient un climat d'insécurité malsaine en Allemagne . Devenu la cible des calomnies du journal, il va y répondre par cette œuvre de fiction qui met en lumière les méthodes de la presse à scandale .

Dans la tradition de l’intellectuel engagé intervenant ds le débat public, Heinrich Böll nous livre ici un roman engagé, polémique, présentant un état de la société allemande dans les années 70, véritable réquisitoire contre la presse de caniveau .
Le roman reste, 25 ans après sa publication, bigrement actuel !
Il prend une nouvelle dimension à l'heure de Facebook et autres réseaux sociaux qui favorisent désinformation et campagnes de harcèlement . Ces plates-formes d'échanges prolongent et renforcent les effets délétères d'une certaine presse qui continue à prospérer sur le terreau de la curiosité malsaine et avide de sensationnel .
Puisse la lecture du roman réveiller nos consciences !

Alma - - - ans - 14 novembre 2019


Les dérives de la presse 7 étoiles

Katharina Blum, jeune femme divorcée, croise le chemin de Ludwig un homme recherché par la police. Elle l'héberge seulement une nuit et signe à cet instant précis le début de son enfer médiatique. Elle devient l'actrice principale de ce fait divers, alimente la presse et se voit harcelée par les journalistes. On interroge ses proches, on la salit et elle se retrouve littéralement jetée en pâture. Son honneur est sali.

Heinrich Böll a connu cet acharnement avec le célèbre journal allemand Bild qui a commenté, analysé et déformé les prises de position de l'auteur quant à la bande à Baader.

Ce roman, proche du reportage comme l'a écrit Tistou, est une véritable satire, acerbe et violente, contre ce monde de l'information qui parfois désinforme et transforme des dires. Katharina est une pauvre victime impuissante face à des forces qui la dépassent.

Un roman marquant !

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 27 août 2012