L'invention de la culture hétérosexuelle
de Louis-Georges Tin

critiqué par Spiderman, le 18 novembre 2008
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Chabada : l'inné et l'acquis
Tout simplement révolutionnaire ... Un homme, une femme : quoi de plus naturel ?
Pas partout, pas tout le temps, et sous des formes ô combien diverses !
Un universitaire brillant et audacieux pose une question qui devrait ouvrir de vastes débats : quand et comment la notion d'"hétérosexualité" est-elle apparue, comment s'est-elle imposée au point de devenir un modèle incontesté, incontestable, le socle de la "normalité" pour tant de sociétés ?
Louis-Georges Tin analyse sous cet angle des textes médiévaux dont il ressort que l'époque charnière est le passage de la féodalité à l'esprit chevaleresque au XIIe siècle en Europe.
Il dissèque les résistances sociales, religieuses et médicales à la naissance de l'hétérosexualité et avec le même brio qui lui a permis de tracer un portait vivant et contrasté de l'homosexualité aux débuts du XIXe siècle dans son "Dictionnaire de l'homophobie", il trace les contours de l'émergence d'un modèle totalitaire.
Ce modèle a réussi à aveugler les historiens et historiens de la littérature qui ont, en toute bonne foi, écarté les thèmes de l'"homosocialité" de leurs présentations des textes médiévaux. Lagarde et Michard leur ont emboîté le pas et ont formé des générations de lecteurs à ce moule dominant.
Les lecteurs de Critiques Libres qui auront, en une lecture assez époustouflante, acquis (ou contesté !) les schémas proposés par L-G Tin auront du mal à ne pas confronter leurs livres aux grilles proposées ici.
Décapant, érudit, accessible et très excitant : on aimerait que des bibiophiles amoureux et connaisseurs de la littérature "ancienne" confrontent leurs repères aux nouveaux outils ébauchés dans cette étude.
Les instruments d'analyse proposés peuvent évidemment, avec la même force, s'imposer au lecteur de tous les romans contemporains !!