Les chiens de l'obscurité
de Mario González Suárez

critiqué par Dirlandaise, le 20 novembre 2008
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Enfance, douce enfance...
Un jeune garçon raconte son enfance avec un père violent, petit malfrat s’adonnant à des vols à main armée avec une bande de complices tous plus tarés les uns que les autres. En effet, Basilio Niebla tente tant bien que mal de s’occuper de sa famille composée de sa femme, soumise et peu instruite, et de ses trois enfants Francisco, Damasco et Ariadne, la petite dernière. Mais Basilio a un caractère orgueilleux et emporté. Il finit toujours par s’attirer des ennuis avec ses voisins, obligeant la famille à déménager souvent. Les Niebla finissent par s’exiler en banlieue, dans un lotissement appelé « La Arboleda ». La maison est grande et adéquate mais les Niebla ne tardent pas à se rendre compte que des esprits l’habitent. Suppliant le père de les emmener ailleurs, celui-ci refuse, prétextant le fait qu’il se sent en sécurité dans cette maison isolée et que la police ne pourra venir l’y dénicher. Francisco raconte donc cette partie de son enfance à travers ses yeux d’enfant battu. Car le père bat régulièrement sa femme et ses deux fils. Seule, Ariadne est épargnée par cette violence débridée.

J’ai eu du mal au début à me faire à cette écriture dense et très concentrée. Je trouvais que c’était étouffant et que l’auteur tournait en rond, n’emmenant son lecteur nulle part, ne faisant que raconter des évènements de la vie d’un enfant sans beaucoup de cohérence ni de fil conducteur. Mais, je me suis prise de tendresse pour ce petit garçon courageux, qui supporte son sort avec toute la philosophie dont son extrême jeunesse est capable. J’ai même éprouvé de la compassion pour ce père rempli de défauts, qui n’hésite pas à emmener ses enfants lors d’un de ses vols, risquant leur vie. Il est lâche, menteur, malfaisant et provocateur mais il est aussi capable de tendresse et on sent qu’il prend le sort de sa famille à cœur malgré l’épouvantable situation dans laquelle ils se débattent. Il n’a jamais connu sa mère et est obsédé par l’idée de la retrouver, allant consulter des voyantes afin de retrouver sa trace.

Un livre dur, rempli de violence mais aussi de tendresse avec des personnages aux prises avec une situation qui les dépasse et qui usent de leurs faibles moyens pour tenter de survivre et d’espérer. Une lecture qui marque et que je recommande sans hésiter.

« Il y a quelques semaines, je me suis procuré un couteau suisse, à cran d’arrêt, et je passe des moments de bonheur à planter la lame dans des troncs d’arbre ou dans la terre. Je m’exerce à faire ce que j’ai vu dans des films : lancer le couteau de loin, en le tenant par la pointe, vers une surface peu résistante. J’aime quand je fais mouche et que la lame du couteau vibre pendant quelques instants. Alors je me perds dans une série de rêveries sur des prouesses ou sur des circonstances où la présence du couteau dans ma poche pourrait me sauver la vie. »

« Il commence à te frapper avec sa ceinture, mais aujourd’hui tu ne fléchis pas. Tu agites les bras et la ceinture s’y emmêle ; tu causes à mon père de la colère et de l’anxiété. Tu arrives à saisir la ceinture et à la lui arracher des mains. Il est pris d’une telle furie qu’il donne des coups à l’aveuglette. Il me coince contre le placard et donne un coup de poing… tu t’accroupis et il frappe un meuble. Il s’arrête pour regarder ses jointures tachées de sang : il prend un air terrifiant et tu auras plus peur que quand tu ne me connaissais pas. Il se jette sur toi et tu montes sur le lit. Il crie des injures épouvantables et désespère de pouvoir t’atteindre tandis que tu voles d’un lit à l’autre. Je vais te tuer, déclare-t-il. Tu ne peux pas… Si, je peux, je suis ton père et j’ai le droit… »
Pauvre Francisco 7 étoiles

J’ai également trouvé que l’auteur tournait en rond par moment. Il faut dire que tout le récit est surtout articulé autour de la dynamique du noyau familial rapproché. L’aspect le plus intéressant pour moi est le délire fantasmagorique exprimé à travers les visions du jeune héros ; les fantômes, la voix, les hallucinations et les cauchemars qui se manifestent en réaction à une violence qui finalement ne m’est pas apparue assez oppressante dans les circonstances.

Il s’agit d’un roman initiatique original. Mais, j’aurais aimé goûter le Mexique, me sentir imprégné de la culture. Ce qui ne fut pas le cas.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 3 décembre 2008