Ceci est mon corps
de Jean-François Beauchemin

critiqué par Dirlandaise, le 13 décembre 2008
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Ce corps qui nous gouverne
Dans ce livre, Jean-François Beauchemin met en scène Jésus de Nazareth qui aurait échappé à la mort suite à la crucifixion et qui serait rendu à l’âge vénérable de quatre-vingt-quatre ans. Il est au chevet de son épouse Marthe qui est à l’agonie et il se laisse aller à des rêveries sur sa vie, sur la beauté et la complexité du monde dont il est issu. C’est un très beau livre empreint de philosophie et d’une belle réflexion sur la supposée dualité qui existe entre le corps et l’esprit. Dualité que Jean-François Beauchemin rejette car selon lui, l’esprit n’est pas dissociable du corps et en fait partie intégrante au même titre que tous les autres organes vitaux. Monsieur Beauchemin nous présente un Jésus étonnant en ce qu’il ne croit pas en Dieu et se satisfait de la beauté du monde tel qu’il peut la percevoir à travers le prisme de sa lucidité. À travers ses réflexions, on découvre un homme grand voyageur qui est parti à la rencontre du monde et de ses habitants et a été habité toute sa vie par une soif insatiable de connaissances. Un homme qui a beaucoup appris des humains qu’il a côtoyés mais aussi des bêtes qui lui ont laissé un enseignement supérieur à tous ce que les autres hommes lui ont apportés. Jésus nous confie ses pensées les plus profondes, ses relations avec les apôtres, ce qu’il a ressenti lors de la mort de son père et de sa mère, ensuite de ses deux sœurs aînées. Il nous parle de sa famille et de l’amour qu’ils ont partagés, de sa femme et de son amour pour elle. C’est d’une beauté à couper le souffle !

Un livre lumineux, grave et profond qui amène une belle réflexion sur l’humanité et son destin. Une belle tentative d’explication de la spiritualité qui habite chacun de nous et qui nous porte à embellir la réalité plutôt que de l’accepter telle qu’elle est. C’est aussi un hymne au corps humain qui nous gouverne et dont nous sommes les esclaves impuissants. Vraiment très beau !

Je voulais écrire à Monsieur Beauchemin pour savoir d’où lui est venu l’idée d’un tel livre mais il l’explique très bien dans la postface. Je dois avouer que je rejoins l’auteur sur bien des idées qu’il avance dans ce livre.

« Qu’est-ce que le corps ? Un objet, un objet singulier, que nous commandons mais dont les propriétés nous échappent cependant, et qui ne nous consulte pas. Sa principale occupation est de chercher dans la nourriture le combustible indispensable à son maintien ou à sa réparation. La deuxième est de se reproduire, afin, dirait-on, d’assurer cette sorte de perpétuité que le matériau dont il est fait a besoin, et peut-être pour se perfectionner avec l’aide du temps. J’en aperçois une troisième dans le développement d’une conscience tout autant essentielle que le combustible qui le restaure, et qui le guidera dans son observation de lui-même et du monde. La dernière blesse cette conscience tant nécessaire : il s’agit de mourir, entièrement, et de laisser la place à d’autres, parfois meilleurs que nous, et qu’ainsi peut-être s’effectuent les retouches nécessaires à l’espèce. Nous n’aurons rien décidé de tout cela. »