Les sentinelles des blés
de Chi Li

critiqué par Sahkti, le 19 décembre 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Retour aux sources
Mingli quitte sa province chinoise pour Pékin, à la recherche de sa fille adoptive Rongrong. Sans nouvelles de celle-ci, elle s'inquiète et chemin faisant, elle affronte peu à peu les facettes d'une Chine nouvelle, moderne et libérale, dont elle n'avait pas connaissance. Le contraste est rude, surtout lorsque Mingli découvre à quel point cet affairisme a modifié la personnalité de sa fille chérie. Il lui faut alors retourner, vivre l'échec, retrouver ce monde qu'elle a quitté et dont elle réalise aujourd'hui à quel point il peut être apaisant. Il en va de même pour son mari, opposé à ce voyage pour des raisons dont certaines se révèlent être justifiées, et qui va bénéficier d'une bouffée d'affection et de sérénité lorsque sa femme le retrouve. C'est un nouveau voyage qui s'effectue alors...

Belle leçon de philosophie de la vie donnée par Chi Li, qui s'interroge sur des notions telles l'apaisement, la sagesse, la relativité des valeurs et des normes. Le personnage de Mingli est on ne peut plus attachant et intéressant. L'opposition entre traditions ancestrales, valeurs refuges qui permettent de se sentir en paix, et les nouvelles formes de la modernité, sources de tourments pour qui ne les maîtrise pas, est retracée avec justesse. La langue de Chi Li est belle, élégante et poétique. J'ai particulièrement apprécié la douceur qui émane de ces lignes.
Voyage en Chine 8 étoiles

Adepte de littérature asiatique, c'est le premier ouvrage de Chi Li que je lis.
Je ne suis pas déçue !

Listelle - Bordeaux - 38 ans - 18 août 2010


Simplicité et solide bon sens féminin … 7 étoiles

C’est ce qui se dégage de ce court roman à l’écriture sans sophistication particulière, mais qui néanmoins séduit le lecteur par la profonde sagesse de l’héroïne, laquelle se joue de l’apparente naïveté dont la qualifie son entourage.

Une villageoise de la Chine profonde, Mingli, nous expose en effet ses sentiments, le cheminement profond de sa pensée, et la justification de ses actes, tout en décrivant par le menu, mais avec une pudeur toute asiatique, ce qui la lie aux membres de sa petite cellule familiale.

Partant toute seule à la grande ville (Pékin), pour tenter de retrouver les traces de sa fille adoptive en fuite, Mingli s’en retournera apaisée et plus raffermie que jamais dans sa relation avec son mari condescendant …

Ori - Kraainem - 89 ans - 24 décembre 2009


Voix de femme, voix de Chine 8 étoiles

En plein accord avec la critique de Sahkti.

C'est un flot de parole; pas un torrent, non, même pas un fleuve, mais une simple pluie : le discours intérieur d'une silencieuse.

Et toutes ces petites notes sur la vie quotidienne en Chine, mais si loin des clichés. Quand elle nous parle du jeu d'enfant qui consiste à tresser des herbes en anneau puis à mêler ces anneaux et à tirer jusqu'à faire céder l'un d'eux, je songe à ce jeu anglais pratiqué dans les années 1920-1930 et raconté par mon père : les enfants creusent un trou dans un marron et y font passer une ficelle, puis, tenant chacun son marron au bout du lien, ils frappent sur le marron adverse, alternativement, jusqu'à ce qu'un des marrons éclate. L'imagination enfantine d'un bout du monde à l'autre.

J'ai beaucoup aimé, par exemple, le passage où le personnage fait un savant (et ironique) calcul pour démontrer que ceux qui recherchent l'argent sont perdants parce qu'ils vont dormir plus mal.

D'une certaine manière, ce récit est celui d'une initiation à la sagesse de l'âge ("chaque route est utile dès lors qu'on a décidé de ne pas la parcourir pour rien") et un constat que certains trouveront amer. Parce que "l'humanité entière s'achemine vers la même destination", le personnage en tire la conclusion toute "personnelle" suivante : "Voilà pourquoi je suis prête à partager, avec cet homme (...) une vie de famille ordinaire et sans passion, aussi fade que ces potages qu'on laisse mijoter au coin du feu, et dont la saveur discrète garde un charme inaltérable".

Il y a souvent dans les romans des événements, des personnages hors du commun, une progression, une fin. J'ai donc souvent cette impression de déjà lu, déjà vécu, inutile. Mais cette voix intérieure là, et la vie qui va... Quelque chose qui ressemble à la paix.

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 18 mars 2009