Les deux visages de Janus
de André Bonnery, Michèle Bonnery

critiqué par Madame Charlotte, le 20 décembre 2008
(Argelès sur mer - 48 ans)


La note:  étoiles
Belle découverte !
Tout d’abord je tiens à avertir les amateurs d’action pure, de spectaculaire et de sanguinolences qu’ils seront peut-être déçus par le voyage. Car il s’agit bien là d’un roman historique, à forte tendance policière certes, mais fermement ancré dans une époque bien particulière. Le dépaysement est total, on part à la découverte d’une période méconnue et rarement traitée, et l’intrigue policière, pourtant bien menée jusqu’au bout et au dénouement efficace, ne constitue qu’une partie, certes importante, de l’intérêt de ce roman. On apprend bon nombre de choses sur l’époque, le contexte historique, religieux, politique, sur les mœurs. On s’instruit donc, mais sans lourdeur ni ennui, dans un style égal et fort agréable. On perçoit les spécialités réciproques des deux auteurs, le tout habilement mêlé et dosé. Ils ont merveilleusement exploité leurs domaines de prédilection, et malgré le fort caractère historique du roman, sérieusement documenté et reconstitué, l’intrigue policière reste bien présente et ne passe pas au second plan. Malgré tout, l’éditeur a préféré privilégier l’aspect historique en l’étiquetant comme tel.
Les chapitres sont assez courts, ce qui permet d’éviter le piège de la dissertation, et de rester dans le sujet. Le début du livre nous promène entre plusieurs personnages et plusieurs lieux. On comprend vite qu’il n’y aura pas de héros, tous les personnages ayant un rôle à jouer. Je me suis toutefois impatientée à un bref moment, je voulais en savoir plus, mais c’était oublier le rythme particulier du récit, tout à fait en adéquation avec l’époque, et le parti pris par les auteurs de ne pas choisir de héros principal.
Disparitions, morts accidentelles ou non, vols et autres dégradations de lieux de cultes parsèment l’intrigue. L’enquête est menée de manière assez particulière, sans super-détective, car tout le monde cherche une réponse, un lien éventuel entre tous ces événements. Les personnages sont tous intéressants et pour certains leurs motivations restent un mystère. On parle habituellement de fausses pistes dans ce genre de roman, ici il s’agirait plutôt de fausses impressions, ce qui rend le tout encore plus subtil.
Il est difficile de parler plus de l’intrigue et des thèmes abordés sans trop gâcher le suspens, mais je peux dire que la problématique de l’image, que ce soit en tant qu’objet ou que ce qu’elle représente est largement développée (à ma plus grande joie ! quand on sait ce que le visuel représente pour moi). Ce thème fait du roman un livre très actuel malgré son caractère historique. La superstition, la religion, le fanatisme, toutes ces croyances fondées sur l’ignorance et la crédulité restent malheureusement d’actualité. Partagé entre le passé et le futur, Janus semble figé dans un présent perpétuel où les mêmes questionnements perdurent de siècles en siècles sous des formes différentes.
J’ai adoré la thématique abordée, la reconstitution de l’époque, les personnages, nombreux mais bien traités, le style élégant mais accessible. Toutefois, ayant été avertie par les auteurs eux-mêmes qu’une suite était prévue, j’ai été particulièrement attentive au final. Le roman tel quel pourrait se suffire à lui-même, je n’ai pas ressenti de frustration par rapport à une fin qui aurait pu être totalement ouverte. La dernière phrase est tout simplement merveilleuse et laisse le lecteur perdu dans ses propres questionnements par rapport à l’impact de l’image.
Bref ! Si la fin est satisfaisante et non frustrante, on n’en a pas moins envie de lire la suite !!
Avec d’autant plus de curiosité que je ne vois pas dans quelles directions les choses peuvent évoluer.
Une lecture que je recommande donc, aussi intelligente que divertissante.

Et j’attends la suite !