Le roi de Kahel
de Tierno Monénembo

critiqué par PPG, le 17 janvier 2009
(Strasbourg - 48 ans)


La note:  étoiles
Epopée fantastique... en solitaire
En 1880, Aimé Olivier de Sanderval forme le projet de conquérir la région ouest-africaine du Fouta-Djalon pour en faire son royaume et fonder une nouvelle nation. Mais celui que les Peuls appellent Yémé devra ruser avec le climat, la nature, les traditions, et surtout les hommes.... des deux continents !

A travers un superbe roman d’aventure, Monénembo retrace l'épopée oubliée, mais réelle, d'un précurseur de la colonisation. Nous sommes vite fascinés et touchés par le personnage : un mélange de mégalomanie, de poésie, dont le projet utopique, mais pacifiste, s’est élaboré avec force dès sa tendre enfance. Il est donc enivrant de suivre le destin de quelqu’un qui a pleinement vécu son rêve, en y acceptant les sacrifices et en faisant fi des obstacles ou des moqueries.

C’est un roman écrit dans un très beau style, agrémenté d’éléments tirés du journal de bord d’Aimé Olivier de Sanderval qui sont disposés de manière très judicieuse. Petit regret à la lecture : une carte de la région et de ses différents et nombreux clans et tribus, aurait pu procurer un confort (et un plaisir !) supplémentaire.
solitaire utopie de Gulliver moderne 7 étoiles

Ce roman picaresque ahurissant et très bien documenté nous dévoile les rêves fous d’exploration de la fascinante Afrique par l’inventeur de la «roue à moyeux suspendus ». Histoire vraie donc, carnets de bord à l’appui. Né à Lyon dans une grande famille aisée, le futur vicomte Aimé Olivier de Somerval s’installe avec sa famille dans son château à Marseille, mène grand train, s’est distingué très honorablement lors de la guerre de 1870, mais il ne tient pas en place et entretient un rêve secret depuis sa plus tendre enfance: surpasser son père et les notables de sa famille et partir à la conquête pacifique de l’Afrique.

En vrai utopiste il écrit un traité : « L’absolu » qui sert de base philosophique à sa propre épopée. « L’Afrique serait alors le centre du monde, le cœur des civilisations, la nouvelle Thèbes, (clin d’œil à Voltaire ?), la nouvelle Athènes, la nouvelle Rome, la nouvelle Florence tout à la fois. Et ce serait le nouvel âge de l’humanité, qu’il avait pressenti bien avant les autres et dont les bases auraient été jetées par son génie à lui. » Son rêve généreux candide et solitaire lui fait s’exclamer : « Dans trois ans, le roi de Timbo mangera des cerises de Montmorency comme le firent autrefois les Romains des figues de Carthage… »
Hélas c’est sans compter avec les vicissitudes que lui imposera l’administration française: le terrain et le papier ne font pas bon ménage. Il devra esquiver les coups pendables des Anglais plus fourbes mais aussi intelligents que les Peuls…, et les conditions naturelles de l’Afrique avec son cortège de « furoncles, fièvre jaune, fringales, paludisme, comas, coliques, menaces de mort, emprisonnements, croyances magiques, serpents venimeux, panthères, scorpions et autres crocodiles ! ». Miracle des négociations, "Yémé" devient à force rien moins que Peul parmi les Peuls… et va se tailler enfin son royaume de Fouta-djalonade et même battre monnaie. Grâce à sa sagesse de caméléon et au patient apprentissage des coutumes et de la culture de l’hôte.

La solitude et l’utopie de l’entreprise le perdront et d’autres cueilleront les fruits qu’il a plantés avec tant de cœur. Le dur colonialisme aura gain de cause et la sienne sera perdue. On va jusqu’à s’étonner qu’il ne néglige pas de s’occuper ardemment de sa femme lors de ses retours en France, tant il est hanté par sa passion dévorante. L’époque voudra sans doute qu’il rejette son égérie africaine, reine de beauté et de séduction sauvage sans le moindre scrupule, soudain terrorisé à l’idée du regard de son fils, Georges. La seule dérobade de sa vie, dans un océan de courage et de détermination. Le souffle du récit n’est pas dans le style - assez économe, un peu suranné et fourmillant d'argot local - mais dans l’histoire, étonnante et maudite.

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 4 août 2010


Agréable. 7 étoiles

Raconter cette histoire méconnue a valu à Tierno Monenembo le prix Renaudot en 2008. Je ne sais pas si cela valait un prix, mais la façon de raconter, la connaissance du peuple Peul sont deux qualités de ce livre, outre le fait de faire connaitre le personnage principal Aime Olivier alias Olivier de Sanderval. Même si celui-ci est un homme de son temps, c'est-à-dire un colonialiste, on arrive à s'attacher à ses aventures et à son périple chez les Peuls. On est plongé dans cette partie de l'Histoire et de l'Afrique, on s'y croirait.

Senoufo - - 66 ans - 13 octobre 2009


Rêver d’un impossible rêve, partir où personne ne part …… 7 étoiles

Il y a matière à nourrir l’imaginaire du lecteur dans l’épopée du vicomte Olivier de Sanderval, qui mène son impossible rêve d’homme des Lumières là où personne ne part et devient Roi du Kahel .

Rien ne manque à ce roman d’aventures à l’ancienne , ni les talents de conteur de Tierno Monénembo qui fait de son héros un portrait sans complaisance et garde vis-à-vis de lui une tendresse parfois teintée d’ironie pour évoquer ses faiblesses , qui suscite vis-à-vis des coutumes des Peuls une curiosité amusée et fait découvrir la singularité de leurs négociations ; ni l’exotisme qui entraîne le lecteur dans ce pays mythique du Fouta Djalon peuplé de Peuls ; ni le suspense maintenu par les multiples rebondissements qui parsèment le récit jusqu’à sa fin .

Une chronique menée tambour battant qui tient du feuilleton et en mêlant le réel et le mythe devient une sorte de chanson de geste . Un récit foisonnant qui n’oublie ni d’évoquer l’enfance, l’éducation humaniste et la famille du vicomte, ni l’atmosphère feutrée des bureaux des ministères parisiens sous la 3e république ni chacun des différents coups de théâtre, péripéties, indispositions, fuites ou emprisonnements dont a été victime le héros . C’est paradoxalement cette succession ininterrompue de rebondissements qui m’a paru monotone et m’a déçue . Même le voyage auquel participait le fils Georges a été insuffisant pour faire renaître l’intérêt que j’avais peu à peu perdu à partir de la seconde moitié de l’ouvrage . Je reconnais toutefois qu’il était nécessaire de les mentionner pour restituer fidèlement la vérité sur la vie de Sanderval au risque de noyer le lecteur dans une foule de noms africains difficiles à mémoriser …….

Une biographie romanesque dépaysante - mais qui m’a paru difficile à suivre intégralement - qui trace le portrait d’un Don Quichotte mû par la volonté de porter les bienfaits du progrès européen sur les terres africaines, qui suscite la réflexion sur la légitimité du pouvoir politique et donne un éclairage nouveau sur les causes de la colonisation .

Alma - - - ans - 1 juin 2009


Passionnant ! 8 étoiles

Voilà une critique parfaitement faite par PPG ! Tout y est et ajouter quelque chose serait bien vite du radotage...

Je n'aime pas radoter aussi je vais me limiter à dire que moi aussi j'ai trouvé un très grand plaisir à lire ce livre.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 7 février 2009