L'école des femmes
de André Gide

critiqué par Pétoman, le 25 novembre 2001
(Tournai - 49 ans)


La note:  étoiles
Tryptique
La même histoire racontée par trois personnages: d'abord la mère, puis son mari puis la fille. Une histoire somme toute banale... elle tombe amoureuse de Robert qu'elle trouve formidable...
Elle l'écrit dans un petit carnet et les années passant, elle se rend compte qu'il n'est pas si formidable que ça; au contraire, il veut le paraitre mais ne l'est pas... Elle l'attaque dans son récit. Lui se défend... La fille Geneviève, elle, défend maman et attaque papa... mais elle se rend compte de ce qu'est le mécanisme passionnel. Une histoire quelconque ne l'est plus lorsqu'elle est racontée par Gide, toujours tourbillonné par ses mêmes angoisses: la religion principalement. Pour mieux comprendre l'auteur, il faut lire: "Si le grain ne meurt "...j'en ai par ailleurs fait la critique.
Un livre à lire !!! 8 étoiles

Dans ce livre au format de poche, on vous offre trois livres mais une seule histoire ! Trois livres car André Gide va effectivement publier trois textes – L’école des femmes, en 1929 ; Robert, en 1930 ; Geneviève en 1936 … et, encore, il paraît qu’il était prêt à écrire un Geneviève II – pour nous raconter l’histoire d’une femme, Éveline. On peut penser que c’est bien elle qui est l’héroïne de cette tragédie de la vie quotidienne. Elle va épouser Robert et aura deux enfants, Geneviève et Gustave. La première partie, L’école des femmes d’origine, a la forme d’un journal intime que l’on ouvre une fois qu’Éveline est décédée en 1916. Deux grandes parties, Éveline lors de ses fiançailles avec Robert, le temps des illusions, et une autre, vingt ans plus tard, le temps de la raison et de la résignation. Éveline épouse un homme de foi, un représentant de la société catholique qui estime qu’il faut faire le bien et le faire savoir… mais ce ne sont peut-être là que des apparences et un jour le rideau tombe…

Dans cette première partie, on a une Éveline éblouie par son homme, une cruche qui gobe tout, une gentille femme qui se réveille après vingt ans et qui réalise ce qu’elle a perdu, ce que son mari lui a fait subir, ce qu’elle doit faire pour sauver ce qui lui reste de vie. Elle est sur le point de quitter Robert pour retrouver la liberté, mais… Vous verrez, tout ne va pas tout à fait se passer comme vous l’imaginez… En même temps, il faut bien que vous soyez surpris lors de votre lecture…

Mais, le lecteur comprend rapidement le manque d’éclairage sur ce que pense réellement le mari dans cette histoire. En effet, comme l’épouse s’exprime à la première personne, elle ne donne que ses sentiments ses motivations, ses envies… C’est pour remédier à cela que l’année suivante André Gide va donner une suite à L’école des femmes, sous forme d’un réquisitoire de défense du mari car il a bien été attaqué par le journal de sa femme. Ce sera Robert, un texte court mais assez fort. Le père se révèle plus humain que ce que l’on croyait mais on sent qu’il ne conçoit pas du tout que la femme puisse être l’égale de l’homme. Du coup, la jeune femme, sa fille en l’occurrence, ne devrait pas aller faire des études, ne devrait pas lire, ne devrait pas prendre la parole en public…

Et la fille, cette fameuse Geneviève, que pense-t-elle ? C’est pour évoquer son point de vue que Gide publie un troisième texte, Geneviève. Cette fois, l’auteur va plus loin et il va évoquer des sentiments qui le perturbent à titre personnel, l’homosexualité. Oh, pas de façon trop explicite. Nous sommes avant la seconde guerre mondiale et tout ne peut pas encore s’écrire dans un roman grand public. Mais les sentiments ambigus de Geneviève pour Sara, les liens d’ailleurs entre Sara, Geneviève et Gisèle… tout révèle les difficultés intérieures de Gide lui-même…

André Gide montre dans ce très beau livre toutes ses qualités d’écriture, aborde les questions qui lui sont chères, la religion, la sexualité et la vie sociale, et il nous plonge dans une forme de désespérance car, reconnaissons-le, on a du mal à savoir qui est réellement heureux dans son histoire… Si, peut-être Gustave, celui qui se pose le moins de questions sur la vie…

Ce roman est probablement la preuve flagrante des souffrances qu’a dû endurer André Gide au cours de sa vie avec une mère protestante stricte, un échec de vie conjugale et un rejet par tant de bien-pensants qui n’avaient même pas lu son œuvre…

J’avoue que j’ai aimé ce roman parce qu’il est d’abord magnifiquement écrit et parce que l’auteur, en s’y prenant par trois fois, a réussi à peindre une société sans mettre en avant son seul avis ! C’est finalement au lecteur de faire ses choix, comme dans la vie !

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 6 juillet 2013


Insipide au possible 1 étoiles

Oui, ce récit est totalement plat: bien que je vienne de lire les deux critiques qui ont été faites jusqu'ici, je n'arrive toujours pas à trouver de l'intérêt à ce texte d'une banalité et d'une bêtise effrayantes. Bien sûr, Gide a voulu ses héros idiots, mais ceux-ci se réfugient dans de tels clichés qu'il devient rapidement insupportable de les avoir sous les yeux: la pauvre Eveline, avant sa cruelle désillusion, réussit à placer le mot "Robert" dans presque chaque phrase qu'elle écrit!
Gide est un auteur formidable, de loin mon préféré, mais il a écrit des choses bien plus belles et surtout bien plus intéressantes que ce triptyque!

Eniotna - Savenay - 37 ans - 5 juillet 2005


Quelle écriture !... 7 étoiles

Je trouve la critique faite pas Petoman un peu succinte pour un livre qui me semble valoir mieux.
Tout d'abord, je reste toujours sous le charme des auteurs capables de s'exprimer dans un français aussi parfait. Je retrouve alors Yourcenar, Montherlant et quelques autres. Mais cela devient plus que rare !
L'écriture c'est bien, mais faut-il encore avoir des choses intelligentes à dire ! Et c'est le cas ici, comme chez les autres auteurs que je viens de citer.

L'aspect religieux d'abord ! Un femme, Eveline, véritable croyante et qui va jusqu'à s'opposer à son père, qu'elle adore, au nom de cette foi qu'elle ressent profondément. Un mari, Robert, qui semble bien plus catholique par convention et non par élan profond. Il arrivera à l'éloigner de la religion tant ses sentiments sont joués plutôt que profondément ressentis. Quand nous y ajoutons un abbé qui entre à fond dans le jeu du mari, la coupe déborde !

La condition de la femme ? Robert trouve inutile que sa fille, très intelligente, fasse des études. Après tout, la femme n'est faite que pour bien tenir son ménage et il ajoute plus loin: "... et c'est bien là que je vois le danger de l'instruction chez les femmes..." Mais quand il en arrive à dire: " L'insoumission est toujours blâmable, mais je la tiens pour particulièrement blâmable chez la femme." nous atteignons des sommets !... Un être vil sous des dehors civilisés, un être faible qui se cache et se défend par des clichés, par le "qu'en dira-t-on" et totalement incapable de penser par lui-même.

Par contre Eveline, dans la première partie de son récit est par trop béate et soumise. Elle prête le flanc aux conceptions arriérées de son mari tellement elle ne voit sa vie faite que pour servir cet être.

Un autre temps, d'autres idées. La femme semble, tant dans l'esprit d'Eveline au début, que dans l'esprit de Robert, n'être qu'une personne destinée à l'admiration perpétuelle de son mari, à l'aider dans sa carrière en faisant la boniche chez elle, élevant les enfants dans les principes du maître, le mettant en valeur dans les réceptions qu'il organise ou auxquelles il se rend.

Geneviève et Eveline sont des êtres qui pensent, qui ressentent profondément les choses et qui doutent. Elles sont complexes et donc humaines. Robert n'est qu'une caricature de la stupidité mondaine, de l'arrogance, de l'autosatisfaction. Il ne doute pas ! Il ne doute pas parce qu'il ne pense pas et ne sait que se retrancher derrière des citations de plus connus que lui !

Arrivons en maintenant à une petite phrase qui nous a déjà tant fait parler sur les Forums. En parlant, notamment, de la religion, Robert dit: " L'homme a besoin d'être dirigé, encadré, dominé." Nous revoilà dans la notion de liberté évoquée dans nos discussions à propos de Dostoïevski, Camus et d'autres. L'homme ne serait pas fait pour être libre, il n'aimerait pas cela, en aurait peur.

Il y a trop d'idées différentes abordées dans ce livre pour parler de toutes.

Je vais donc conclure en disant que j'ai adoré la confession d'Eveline, je me suis énervé devant l'hypocrisie et le vide de Robert et la confession de Geneviève m'a semblé être en trop.

J'y ai cependant épinglé une répartie, combien vraie, faite par ce brave et très humain docteur Marchant à Geneviève:
" Mais les systèmes les meilleurs ne rendront pas les hommes moins mauvais."

Non seulement je n'aime pas les "systèmes" mais il me semble aussi évident que la nature humaine est ce qu'elle est et que tout système qui prétend qu'il va la changer est une vaste utopie qui se terminera dans le sang.

4 étoiles pour le récit d'Eveline, 3.5 pour celui de Robert malgré la stupidité des idées qu'il tend à défendre, mais seulement 3 pour celui de Geneviève qui, à mes yeux, manque d'intérêt. En global, je mettrai donc 3.5

Jules - Bruxelles - 80 ans - 12 février 2004