L'autre visage de Rock Hudson
de Guillermo Fadanelli

critiqué par Dirlandaise, le 22 janvier 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Quand deux destins se croisent
Guillermo Fadanelli, un auteur originaire de Mexico, a reçu pour ce livre le Grand Prix National de littérature du Mexique. J’avoue que j’ai failli abandonner cette lecture. Je n’arrivais pas à bien cerner l’histoire et les personnages. Bon, je dois dire que j’ai eu de gros problèmes de concentration depuis quelques temps mais la machine se remet lentement en marche. Donc, j’ai persévéré car je donne toujours sa chance au coureur et bien m’en prit. Le style de l’auteur nous plonge au cœur du récit sans recul ni beaucoup d’explications ce qui fait qu’il faut s’accrocher, coller les morceaux, essayer de comprendre le pourquoi du comment, la motivation des personnages, leur parcours de vie, ce qui fait qu’il en sont rendus là dans leur destin.

L’histoire tourne autour de deux personnages principaux qui évoluent dans le même quartier et dont le parallélisme de leurs vies respectives finit par s’effacer pour laisser place à une complicité devenue quasiment inévitable. Johnny Ramirez est un revendeur de drogue mais aussi un tueur à gages. C’est un homme dur, intelligent, rusé, qui a de nombreux ennemis et qui doit constamment assurer ses arrières. Il vit dans un hôtel minable avec sa sœur et entretient avec elle des relations incestueuses. Un jour, une femme aborde Johnny et lui confie un contrat. On ne sait pas trop qui est cette femme mais elle expose clairement ses motivations à Johnny au sujet de son désir de voir une autre femme disparaître. L’autre personnage est un adolescent paumé dont le père ne revient plus que sporadiquement au foyer, emportant chaque fois un peu plus de vêtements et de biens personnels. Notre ado est désabusé, il va plus ou moins à l’école et est entraîné de plus en plus vers la vie de la rue et le chemin du crime. Johnny le repère et se met à l’attirer à coups d’argent vers le monde pourri et corrompu qui constitue son univers.

Un excellent roman qui met en scène des paumés, des hommes aux abois, des êtres humains se débattant dans un monde de violence dominé par l’argent facile, la drogue, la prostitution, la vengeance et les froides exécutions. Le début est laborieux mais cela vaut la peine de persévérer car tout s’imbrique et rien n’est laissé au hasard dans cette histoire. Le personnage de Johnny est extrêmement attachant malgré sa dureté et sa froide violence. C’est un homme intelligent qui essaie de survivre dans un monde qui ne lui a pas fait de cadeaux et ne lui en fera probablement jamais. Il n’est plus dupe de rien ni de personne, il sait où il s’en va, ce qu’il a à faire et quand il faut le faire. Je l’ai beaucoup aimé ce personnage, vraiment beaucoup…

Pour le titre insolite, l’explication en est donnée à la toute dernière page.

« Il marcha sans précipitation jusqu’au quartier ouvrier, lentement, prudent, en longeant le bord du trottoir pour éviter les imprévus, loin des portes et des coins de rues où n’importe qui pouvait l’attendre, les yeux vigilants, les oreilles veillant sur ses arrières, réagissant à tout bruit, tel un chat, toujours dans le sens contraire de celui des voitures, sur le trottoir de droite, parce qu’il savait qu’il était plus facile de détecter l’attaque dans les manœuvres du conducteur, touchant la bosse que faisait le poignard dans la poche de sa veste avec la certitude que son assassin l’emporterait enfoncé dans l’estomac. »

« Il lui avait donné rendez-vous à ce coin de rues sans savoir si elle arriverait à l’heure, et maintenant elle était là, rayonnante, ayant seulement huit minutes de retard, fouillant des yeux le fond des rues pour voir si elle distinguait la silhouette de Ramirez, sans imaginer que depuis le deuxième étage de l’hôtel qui se trouvait en face Johnny l’observait tandis qu’il introduisait calmement les balles dans le chargeur de sa vieille Winchester. »