La hache et le fusil : Edition intégrale
de Jean-Claude Bissot (Scénario), Gérard Frippiat (Scénario), Jean-Claude Servais (Scénario et dessin)

critiqué par Shelton, le 24 janvier 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
De la très grande bande dessinée !!!
Jean-Claude Servais est un auteur complet de bandes dessinées, pétri de sa terre, de ses origines, de sa Belgique boisée et douce, celle où il fait froid l’hiver, celle qui est peuplée d’animaux et, surtout, celle dont les habitants ont des caractères forts avec des personnalités taillées dans la roche !
Après quelques études à l’Institut Saint-Luc de Liège et quelques planches de bédé signées Jicé, il devient rapidement spécialiste des histoires à base réelle, même quand la sorcellerie semble s’en mêler.
C’est avec sa rencontre avec Gérard Dewamme, que son travail fait un bon en avant qualitatif : ensemble ils écrivent la série Tendre Violette qui trouve naturellement sa place dans le magazine (A suivre).
On perçoit alors chez lui l’envie de raconter des histoires réalistes, avec des femmes étonnantes, des drames bouleversants et une forêt omniprésente. Le style Servais est en place et les albums se suivent, tous plus forts les uns que les autres, plus humains, plus poétiques aussi… Il se fait assister dans ses scénarios par des auteurs comme Gérard Frippiat et Jean-Claude Bissot, comme c’est le cas pour cet album La hache et le fusil.
Les éditions Dupuis viennent de commencer la réédition des histoires composant ce recueil La mémoire des arbres, histoires indépendantes les unes des autres, mais liées par un ton, par un genre, par des femmes hors normes, pas toutes très fréquentables…
La première histoire, parue au départ en deux albums, nous raconte le destin de deux personnes, un homme et une femme, très largement inspirée d’un fait divers, l’affaire Champenois, qui eut pour cadre la région de Gaume en Belgique.
Le scénario est assez simple : un homme, un bucheron, Robert, vit paisiblement dans la forêt. Il est quasi illettré, aime le silence et fuit la population, les villes et autre civilisation qui ne le touche pas. Marie-Astrid, son opposée, virevolte dans la société, se trouve un amant riche, un notaire qui trafique trop avec l’Allemand occupant et qui la laisse riche dans une belle masure de campagne.
Les deux vont se rencontrer, vont s’épouser et le drame viendra les recouvrir de son sang, de sa haine… Ce qui aurait pu n’être qu’une belle histoire d’amour ne deviendra qu’un sale fait divers…
Un prêtre, un policier, un sacristain viendront, chacun à leur tour tenter de tirer l’affaire au clair. Mais qui pourra soupçonner les dessous nauséabonds de ce fait divers ? Personne, d’ailleurs, même en fin d’album, qui osera condamner les personnages ?
Ils n’étaient pas faits pour le bonheur, le destin les a poussés l’un vers l’autre… Fatalité !
Un très beau récit qui confirme la force graphique de Jean-Claude Servais. La mémoire des arbres est un ensemble qui montre que la bande dessinée peut, comme la littérature en général, raconter l’humanité dans ce qu’elle a de grand et de petit, de doux et de cruel, d’humain et de bestial… La mémoire des arbres c’est un peu comme une comédie humaine du sud de la Belgique et je vous promets que chaque lecteur y trouvera son compte d’émotion et de bonheur…
Un auteur à découvrir, une histoire à lire et relire, une collection à avoir chez soi, une bande dessinée à faire découvrir !
Le Zola de la BD 10 étoiles

Servais excelle à scénariser la condition humaine dans ses BD
Un univers proche de la nature, des passions exacerbées, des personnages particuliers et dont l’histoire heurtée reflète si bien les grandeurs et les petitesses de notre humanité, une BD réaliste qui conte l’humanité et ses travers qui engendrent les drames.
Le récit et le graphisme tour-à-tour poétique et réaliste nous restituent grandeurs et petitesses, forces et faiblesses, humanité et bestialité de chacun des personnages.
Pourrai-je m’hasarder à dire que Servais c’est Zola dans un milieu rural où la nature joue un rôle important, où les superstitions sont encore de mise et que chaque BD nous fait découvrir de multiples facettes de ces endroits, de ces modes de vie.

Je ne peux rester insensible à la poésie des BD de Servais, à leur humanité, à leur univers…et j’en redemande.

Bafie - - 63 ans - 16 octobre 2013