Les Filles tombées Tome 1
de Micheline Lachance

critiqué par Gabri, le 1 février 2009
( - 38 ans)


La note:  étoiles
Les filles-mères du 19ème siècle
Les filles tombées sont des pécheresses, tombées dans le vice de la luxure avant d’être mariées. On les reconnaît dans la rue parce qu’après le péché apparaît un ventre gonflé comme un ballon, impossible à cacher. Les filles tombées sont toujours coupables. Si c’est un viol qui les a mises enceintes, c’est parce qu’elles ont dû être trop aguicheuses. Si c’est un prétendant, alors elles auraient dû savoir se contenir. Elles sont des putes, des filles de mauvaise vie, elles déshonorent leur famille et elles mettront au monde un enfant bâtard qui ira tout droit à l’orphelinat. Comment faire vivre un enfant dont la nourrice coûtera plus cher que le misérable salaire ramassé à l’usine?

Rosalie Jetté, un personnage tiré de la véritable histoire de Montréal, vient d’ouvrir sa première maison d’hébergement : la maternité Ste-Pélagie. Elle accueille des filles tombées qui en sont à la fin de leur grossesse et leur offre nourriture et hébergement en prévision du grand jour. Elle les aide aussi à se racheter auprès du Seigneur en devenant des pénitentes, repentantes de leur péché et déterminées à revenir dans le droit chemin.

C’est ainsi que quatre filles tombées, que rien ne prédestinait à se rencontrer, seront rassemblées par le destin à la maternité Ste-Pélagie dans le même mois de juillet 1852. À quelques heures d’intervalle, chacune donnera naissance à une petite fille, qui sera aussitôt confiée à l’orphelinat et aux religieuses.

La première fille tombée est Mary, une jeune immigrante irlandaise fraîchement débarquée à Montréal. Il y a ensuite Mathilde, une fille de banquier forcée à accoucher en cachette pour éviter le déshonneur à sa famille. Elvire, est une prostituée des bas-fonds de la ville, qui dit ignorer qui est véritablement le père de l’enfant à naître. Finalement, il y a aussi Noémi, une petite servante de seize ans à peine, violée par son patron ou par le fils de celui-ci. Et cette dernière mourra en couches, faute au jeune médecin ivre et pressé qui s’est occupé d’elle et de son bébé.

18 ans plus tard, Rose, une orpheline née ce même jour de juillet 1852, décide d’entreprendre des recherches pour retrouver sa mère et ses racines. Qui d’Elvire, Noémi, Mathilde et Mary est sa véritable mère? Sa quête la mènera dans tous les milieux de Montréal, des plus aisés aux plus pauvres, et elle sera parsemée de personnages plus attachants les uns que les autres…

J’ai lu ce livre en quelques jours à peine. L’intrigue est habilement menée et on ne s’ennuie pas une seconde à suivre les péripéties de Rose et des personnages qui l’entourent. Le côté historique du récit est aussi très prenant; l’histoire et les personnages sont fictifs, bien entendu, mais tout ce qui les entoure est tout à fait véridique. L’auteure, qui est aussi historienne, a réussi à nous livrer une grande part de ses recherches sur l’époque sans que l’espace accordé aux descriptions historiques ne devienne trop envahissant.

Mon seul bémol consiste en ce que j’ai quand même eu l’impression de tomber un peu dans la facilité à certains endroits. Par exemple, l’avocat qui s’est occupé d’un certain procès est justement le voisin d’un bon ami de Rose, un inconnu lui dévoile une partie importante de sa vie, etc. L’enquête en tant que telle n’est pas toujours crédible, et j’admets que ce côté m’a parfois un peu agacée. Mais je suis tout de même indulgente parce que j’ai vraiment aimé cette lecture... Un très bon moment!