Lettres à une jeune fille de Joë Bousquet
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Théâtre et Poésie => Poésie
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"Ceci n'est pas une lettre."
"Ceci n'est pas une lettre." Cette phrase de Joë Bousquet est, maintes fois, répétée dans de nombreuses lettres adressées à son dernier amour. On peut y voir une référence à René Magritte, elle est surtout la marque d'une grande exigence, celle de l'écrivain qui s'entête à donner une forme parfaite à sa pensée, remuée par la finesse de sa sensibilité.
En janvier 1946, pour le jour de l'an, alors qu'il était enfermé dans sa chambre en raison d'une blessure de guerre qui le frappa de paralysie, vingt-huit ans plus tôt, le poète Joë Bousquet fit la connaissance d'une jeune étudiante, Jacqueline Gourbeyre, surnommée Linette. Elle le troubla par sa fraîcheur, son charme et son intelligence. Et de cette rencontre, des lettres s'en suivirent, transmettant avec une force considérable un amour de la vie, de la littérature et de la peinture sans bornes, avec tout au fond, cette envie d'accéder au plus près de l'âme de l'autre pour lui révéler le bonheur qui consiste à exister.
Cette amitié amoureuse dura plus de trois ans, du 20 janvier 1946 au 17 février 1949. Et si Linette finit par se marier avec un autre homme, elle garda précieusement, dans une mallette de cuir rouge, ces centaines de lettres passionnées. Bibliophile et journaliste, Nicolas Brimo s'est chargé de faire naître au grand jour ces lettres intenses destinées à sa mère, agissant ainsi, aussi bien pour le bien public que par amour filial. De par ce généreux présent, en découlera un véritable éblouissement littéraire à la lecture de cette correspondance qui est, en outre, augmentée d'un cahier-photo, de fac-similés et de documents inédits.
Comme il lui est impossible de parcourir le monde, le monde s'invite chez lui. De nombreux visiteurs, qu'il appelle "passants", lui rendent visites. Les rencontres lui révèlent qui il se révèle être par la parole, tant «nos paroles nous créent.». André Breton, Paul Eluard, Marx Ernst, Louis Aragon, Jean Cocteau ou Jean Paulhan, lui écrivent. Les peintres, Hans Bellmer et Magritte, lui envoient leurs dessins ou leurs toiles. Baignant dans cette vie artistique, Joë Bousquet peut offrir une éducation littéraire et picturale à sa préférée, en lui ouvrant les portes de son monde. En effet, il a guidé, dans ses balbutiements d'étudiante, la jeune femme, en lui livrant des conseils de lecture, en lui prêtant généreusement des livres, ses livres, des revues et des catalogues d'exposition. S'il mit à sa portée les plaisirs provenant des découvertes de l'art, il lui confia ouvertement pareillement ses difficultés, ses doutes et ses souffrances d'écrivain. Ces lettres contiennent de subtiles réflexions sur l'amour et la puissance de la poésie. Elles sont chargées d'une intransigeante volonté de transformer la réalité. «Il ne faut rien accepter que l'authentique», écrit-il.
Passionné, il porte son regard vers l'impossible. Il s'attaque avec ses mots à l'incompréhensible du monde, et en poète sensible à la beauté qu'il est, lui donne des images. Il exprime une mystique de l'amour, puisque, comme André Breton, il croit à l'amour fou et à la parole fusionnelle : "Un jour nous aurons un langage à nous deux, nos yeux en sauront toutes les nuances : rien qu'à nous regarder nous comprendrons ce qui échappe à toute pensée."
Amateur d'écrits érotiques, il la déshabille en rêve et dépasse son impuissance physique par l'enchantement poétique. «C'est ma vie qui est mon être de chair. Elle s'est sensualisée, (...).» Cette sensualité est le résultat de sa volonté de vivre intensément. Il ajoute que «Rien n'est grand que spiritualisé.» et que « l'amour sans limites nous fait gravir une échelle spirituelle par un mélange des sexes.». Dans cette lutte du "poète immobile" sans cesse à la recherche des moyens capables de repousser les limites de la réalité, il est question d'amour absolu, puisqu'il est bien résolu à ce que la réalité naisse de la poésie, et non simplement l'inverse.
Déclarant son amour, à la fin de chaque lettre, en disant "je t'aime" d'une façon toujours différente, le poète prouve bien que l'amour "vit de recommencements et non de répétitions", comme, lorsqu'il écrit, par exemple : "Je vous aime, Linette... et je me sens, devant vous, plus petit que mon cœur. Votre Joe."
Parce que pour lui, il est évident que «l'amour est l'image d'une réalité inépuisable" et que «l'on existe que par la faculté que l'on a de créer», Joë Bousquet, en s'adressant à l'aimée, nous indique comment accéder à une profonde et authentique humanité en misant sur le langage et la volonté.
À découvrir, pour la bonne et simple raison que Joë Bousquet n'aimait «que les choses capables de changer la vie» et que justement, cette correspondance en est un vibrant témoignage. Il considérait que «les livres exceptionnels» étaient des «miroirs magiques qui découvrent dans notre corps une nudité qui est celle de l'âme.»
Or, ses messages, ici rassemblés, même s'ils ne nous étaient pas adressés, reflètent une profondeur bienveillante qui nous livre des clefs essentielles pour comprendre son rapport au monde d'une manière éblouissante.
Et comme la beauté, ce qui éblouit bouleverse.
Les éditions
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Lettres à une jeune fille [Texte imprimé] Joë Bousquet introduction et notes de Nicolas Brimo
de Bousquet, Joë Brimo, Nicolas (Editeur scientifique)
B. Grasset
ISBN : 9782246745815 ; 20,00 € ; 15/10/2008 ; 312 p. ; Broché
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