Les coeurs autonomes
de David Foenkinos

critiqué par Henri Cachia, le 14 février 2009
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Un FOENKINOS surprenant
Voilà un livre de David Foenkinos surprenant, puisque c'est le seul de ceux que j'ai lu de lui, où il ne manie pas l'humour. Ni la grande tragédie, d'ailleurs. Inspiré du très jeune couple meurtrier Florence Rey et Audry Maupin, que les médias avaient alors qualifiés de jeunes fous sortis pour tuer du flic, David Foenkinos, lui, nous montre un jeune homme plutôt caractériel (c'est ce que j'ai ressenti à travers l'écriture),manifestement en rébellion contre la société, avec une âme terroriste, qui s'ignore encore et dont il n'aura peut-être pas conscience au moment de sa mort. La jeune fille nous est dépeinte comme, n'ayant pas de réel désir propre, mais va tout faire pour épater le jeune homme qu'elle aime. Dans ces cas-là, lorsqu'on s'approprie le désir de l'autre, on va souvent plus loin, pour qu'il nous regarde encore un peu plus.

Il faut dire que la période est propice, puisque nous sommes en 1994, en pleines manifestations lycéennes anti-CIP. Ce contexte est très important, dans la mesure où, depuis 68, rien d'équivalent ne s'était extériorisé à ce niveau de violence. Pour ceux qui ont connu 68, on se sent pousser des ailes, et emporté par un mouvement et l'action qui, à un moment nous dépassent tous, nous sommes, à mon avis, prêts à faire certaines choses que nous n'aurions pas faites, en temps de réflexion.

Certains pourraient penser que j'ai dévoilé toute l'histoire. Il n'en est rien, puisque tout le monde la connait, et David Foenkinos le dit clairement dès le début.
De toute façon, ce n'est pas un polar, pas d'enquête policière, pas de thriller, mais plutôt une proposition psychologique à peine esquissée des deux principaux protagonistes.

Ce qui est intéressant dans ce livre, c'est tout simplement le style, et comme on dit : avant le but, c'est le voyage qui est passionnant.

« Ils avaient eux-même créé leur mouvement. Une sorte d'organisation révolutionnaire dont ils étaient les deux seuls membres, prônant la liberté extrême, la haine des flics et des fachos. Quelques mots pour un mode de vie, quelques mots qui pourraient avoir l'air d'une diatribe maladroite, et quelques mots pourtant qui résument leur suprême motivation : la détestation de la société.
Ils étaient autonomes dans leur mouvement. »
Où est le coeur ? 5 étoiles

Un roman d’un de mes auteurs favoris, mais dont la teneur ne permet pas de considérer qu’il s’agit d’une réussite, mais sans doute d’une œuvre de jeunesse ou plutôt de l’exploitation d’un souvenir qui a été romancé. Cela part d’une bonne idée, l’écriture est à la hauteur, mais c’est à peu près tout ce qu’on peut en dire.

J’y ai aussi repéré un faux air d’histoire de couple à la Françoise Sagan, sauf qu’ici les personnages se prétendent d’une certaine gauche ; ils ne sont cependant pas très bien dépeints et on a des difficultés à se les imaginer ou s’y attacher. Je n’ai à aucun moment perçu un éventuel message sincère vu la fadeur de ce couple de Bonnie et Clyde de pacotille.

Un final pif, paf pouf,… et donc une histoire qui à la fin fait pchittt….

Même les lecteurs qui apprécient cet auteur risquent la petite déception

Pacmann - Tamise - 59 ans - 16 septembre 2019


Banale récupération d’un fait divers… 6 étoiles

Inspiré largement d’un fait divers des plus tragique qui a eu lieu en région parisienne en 1994, que je peux difficilement connaître, vivant au Québec…, l’ensemble souffre atrocement d’anonymat, pas de prénoms aux personnages, pas d’indice de temps, de date, même si on finit par se douter de l’époque…

On commence la narration par un étudiant qui a connu la jeune femme, ensuite on passe à un narrateur externe et ce, presque sans transition.
Le récit est exclusivement centré sur le couple, rien ne semble exister ni avoir aucune valeur en dehors d’eux.
Bien sûr,le tout est joliment bien dit mais on a du mal à éprouver de l’empathie ou quoi que ce soit d’autre pour les personnages.

Ce qui est étrange, c’est que leur révolte m’a plus interpellée que leur relation. Une rébellion qui encore aujourd’hui aurait toute sa place.
Néanmoins, le roman tombe dans la facilité et la gratuité des actes.
L’auteur banalise la tuerie au nom des idéaux, au nom de l’amour. Cette violence ne serait que le résultat d’un plan sain à la base, qui aurait mal tourné…

J’ai lu ce livre qui m’a été prêté afin de faire connaissance avec un auteur que je n’avais jamais lu, et serai moins que peu encline à relire…

FranBlan - Montréal, Québec - 82 ans - 2 février 2014


Chronique d'un dérapage annoncé 6 étoiles

Sa "Délicatesse", petite friandise sucrée et trop vite digérable, dégageait un air de bluette romancée fort agréable, légère mais néanmoins convenue (non, je n'ai pas écrit "cucul la praline", mais presque).
Dans les "Coeurs autonomes", Foenkinos prend un virage à 180 degrés. Le style inspiré de l'auteur subsiste, j'en reste résolument fan. Mais la comparaison s'arrête là.

Les faits, d'abord : un jeune couple, devrais-je dire un couple de jeunes, une génération bercée par la désillusion, le fantôme de l'anarchisme planant sur des esprits assoiffés de liberté, une période agitée politiquement, le tout très bien décrit.
La haine du système, un amour désespéré et surtout un grain de sable dans la mécanique huilée d'un projet nocturne va conduire au drame que l'on connait.
Foenkinos ne fait que coller à la réalité des faits, porté par sa plume alerte et d'une précision implacable (la scène de fusillade, par exemple), et pourtant, je fus quelque peu gênée par son discours flirtant avec l’ambiguïté : bien qu'il s'en défende mollement (son narrateur dit : "Ils allaient devenir l'emblème du pourrissement de la société. Tout le monde parlerait d'eux. Ils seraient glorifiés par certains, [...]. Je ne comprendrais jamais qu'on puisse les admirer. Avoir de la compassion, trouver des excuses, peut-être"), le couple est quelque peu dédouané de sa responsabilité au fil des pages. Elle, tragiquement amoureuse, poussée dans ses retranchements par son sentiment d'infériorité intellectuelle et humaniste par rapport à lui, en permanence dans le défi, transcendée par l'admiration et l'envie d'accéder à une reconnaissance aux yeux de son conjoint. Lui, symbole de la jeunesse broyée par la société, révolutionnaire des grandes utopies, sorte de résultat d'une action politique traumatisante. Ils sont décrits tout deux comme dépassés par leurs idées, emportés dans un tourbillon teinté de grandeur d'âme et nobles sentiments de justice, en un mot : des victimes de leurs si belles convictions.

Certes, il aurait pu ne rien se passer ce soir là, la malchance, la panique s'en sont mêlées. Mais tout de même, je trouve que brosser ce portrait un peu tiède et politiquement correct du couple Maupin-Rey est une conclusion un peu paresseuse. Foenkinos est tombé dans le piège de la facilité et nous sert la traditionnelle soupe : "Tuer, c'est mal, mais il faut tout de même les comprendre". Moui.

SidonieLasalle - - 50 ans - 6 septembre 2012


Tout simplement adoré 10 étoiles

Je dois avouer que j'ai lu ce livre il y a de nombreuses années maintenant, toujours est-il que je me souviens de l'histoire dans ses moindres détails, tellement celle-ci m'a passionnée. Une fois commencé ma lecture, mes yeux ne se détachaient plus du texte, avant la dernière ligne, le dernier et ultime mot. C'est à la fois politique, psychologique, romantique, et policier. Mr. Foenkinos combine et maitrise les genres à merveille. Par moments, son écriture est une pure merveille, je me répète, je sais.

Je lui tire mon chapeau, et lisez-le, autrement vous rateriez quelque chose.

Nicolas75 - Paris - 32 ans - 23 août 2012


Anarchisme, amateurisme et bavure 8 étoiles

En quelques traits rapides mais précis, David Foenkinos nous présente le portrait d’un couple qui se constitue autour d’une rencontre de hasard, celle réunissant deux jeunes étudiants : lui, assoiffé de justice et rêvant d’un monde meilleur, elle, recherchant un ancrage pour l’aider à passer le cap entre la vie estudiantine et les réalités de la vie tout court …

En contrepoint de la révolte soixante-huitarde, l’histoire se situe ici 20 ans plus tard au sein d’une génération que le narrateur décrit comme :

(p. 89) – « Perdue entre celle en fleurs des années 70, et la génération sans passion du nouveau millénaire. Les années 90 étaient la frontière entre ces deux époques, formant un étrange paradoxe : une jeunesse désactivée mais combattante, une jeunesse morne mais excitée. Les années 90 : l’antichambre de la mollesse. La joie de vivre me paraissait être un effort. On préférait fumer sur de grands canapés, et s’avachir dans une brume épaisse. On parlait, on parlait beaucoup. »

Et c’est sur ce terreau qu’a fleuri le mouvement dit des autonomes, lequel s’illustra surtout en Allemagne et en Italie, dans une moindre mesure en France.

Quant à nos deux héros recherchant l’action d’éclat des anarchistes généreux mais amateurs, ils seront desservis par une succession de hasards malheureux et plongeront irrémédiablement dans la bavure : celle-ci s’avérera sanglante.

L’auteur nous offre ici une très intéressante analyse : l’autopsie d’un dérapage …

Ori - Kraainem - 89 ans - 9 juillet 2012