La Sonate des Spectres
de August Strindberg

critiqué par Dirlandaise, le 11 mars 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Une maison de fous
Cette pièce de théâtre en trois actes fait partie du « théâtre de chambre », une série de pièces écrites pour le Théâtre Intime, fondé par Strindberg en 1907 avec le metteur en scène August Falk. Elle a été écrite après la crise relatée dans « Inferno » et le style de Strindberg passe du naturalisme au symbolisme.

Un jeune étudiant désargenté s’illustre dans un acte de bravoure lors de l’effondrement d’un immeuble. Suite à son exploit, il passe la nuit à se promener et au petit matin, il débouche sur une place avec une fontaine, située devant un immeuble bourgeois. Le jeune homme s’abreuve et fait la connaissance d’un vieillard assis sur un banc. Lors de la conversation, le vieux réalise qu’il connaît le père du jeune homme et qu’il est même responsable de sa ruine et de son déshonneur. Voulant racheter sa faute, il offre à l’étudiant de l’introduire dans la maison du colonel et de lui faire épouser la fille de celui-ci. Le jeune étudiant n’ose croire à sa bonne fortune et se réjouit de cet espoir d’ascension sociale. Il s’imagine entrer au paradis mais réalise bientôt que la maison n’est habitée que par des spectres grinçants qui s’entredéchirent les uns les autres, bref, il met le pied en enfer.

Une pièce lourde de signification et de cynisme. Strindberg y laisse éclater sa haine de la société et dénonce l’hypocrisie des relations humaines. Ses personnages sont tous vils, noirs, coupables, accablés par la vie, sans espoir de salut. Seule, la fille du colonel trouve grâce à ses yeux et vient mettre une touche de beauté et de douceur dans ces ténèbres mais elle sera bien vite engloutie comme les autres… C’est une véritable maison de fous !

Ce qui m’étonne de plus en plus chez cet écrivain de génie, c’est sa capacité de pouvoir, au milieu de tant de noirceur, décrire une fleur de la façon la plus claire, lumineuse et belle alors que son regard est habituellement tourné vers la laideur et la folie de l’aventure humaine.

C’est une pièce qui doit être relue plusieurs fois, à mon avis, afin d’être en mesure de bien saisir toutes les subtilités du message que Strindberg nous y lance. J’avoue n’avoir pas tout saisi… certains personnages me sont restés obscurs comme la laitière et aussi la cuisinière, deux symboles que je n’ai pas encore bien compris. Mais c’est beau, c’est lourd, c’est grinçant comme j’aime Strindberg quand il s’y met. Je suis très proche de cet auteur et notre regard sur la vie se rejoint continuellement.

« Voyez-vous, quand une maison vieillit, elle moisit, et quand les gens restent trop longtemps ensemble à se faire souffrir, ils deviennent fous. »

« Parler du temps qu’il fait, alors que nous le connaissons, demander comment ça va, alors que nous le savons, je préfère le silence, là on entend les pensées, et on voit le passé ; le silence ne peut rien cacher… contrairement aux mots. »

« Maintenant je vois – les flocons de neige n’ont-ils pas également six branches, comme la fleur de la jacinthe ? — Vous avez raison ! – Alors les flocons de neige sont des étoiles qui tombent… »

« Jésus-Christ est descendu aux enfers, voilà ce qu’a été son passage sur la terre, dans cet asile de fous, ce bagne, cette morgue ; et les fous l’ont tué quand il a voulu les délivrer (…) »

« À quoi bon se parler puisque de toute façon, nous ne pouvons plus nous tromper l’un l’autre ? »