Le Songe
de August Strindberg

critiqué par Dirlandaise, le 19 mars 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Une si belle planète...
Cette pièce de théâtre est considérée comme l'une des plus originales de toute l'œuvre de Strindberg. C'est une pièce obscure et difficile d'accès. Je crois que pour bien l'apprécier, il faut connaître assez bien l'auteur et sa pensée.

Le dieu Indra discute avec sa fille Agnès au sujet de cette planète unique qu'est la terre. Agnès la voit toute belle avec ses magnifiques forêts vertes, son eau si bleue, ses montagnes blanches et ses nappes de blés dorés. Bref, pour Agnès, cette planète ressemble au paradis mais Indra la met en garde… Il s'est passé quelque chose sur cette planète mais il ne veut rien dévoiler à sa fille. Il préfère l'envoyer sur terre afin qu'elle puisse juger par elle-même de ce qu'est la vie des êtres qui la peuplent.

La jeune déesse arrive donc sur terre et y fait la connaissance de différents personnages tous plus étranges les uns que les autres. Elle rencontre un vitrier, un officier amoureux, un avocat, un afficheur qui s'adonne à la pêche, un vieux don Juan, un lieutenant de vaisseau, un étudiant, un poète, une fille laide et une fille belle, un riche aveugle etc… Agnès connaîtra avec chacun d'eux les peines et les misères de l'existence terrestre. Elle visitera différents lieux, sera impliquée dans différentes situations très humaines, certaines dramatiques, d'autres très belles. Agnès sera témoin de toute la gamme des sentiments humains, des luttes, des discordes, de l'amour, de la haine, de la trahison, des nombreuses déceptions qui jalonnent la vie terrestre. Elle sera prise au piège de sa condition et malgré ses nombreuses implorations, son père restera muet et ne viendra pas la délivrer avant qu'elle ait fait son temps.

Strindberg n'est pas tendre envers la vie dans cette pièce magnifique et terrible tout à la fois. Rien ne trouve grâce à ses yeux et il en profite pour démolir les quatre facultés que sont la philosophie, la théologie, la médecine et le droit. On retrouve tous les thèmes chers à l'auteur soit la vacuité de l'existence, l'hypocrisie des relations humaines, l'écart entre les riches et les pauvres, l'inutilité de la souffrance, l'absence de secours de la religion, la noirceur et l'absence d'espoir. Mais… pourtant… comme toujours… deux choses échappent à son jugement impitoyable : l'amour et la beauté d'une fleur.

De nombreux symboles me sont restés obscurs entre autres le château qui pousse comme une fleur, la porte au trèfle, l'île de la Prétentaine, le Casino… Cette pièce ressemble à un conte fantastique et absurde tout à la fois. Du très grand Strindberg !

" Ne parlez pas ainsi, ne faites pas cela, quand vous voyez deux êtres qui s'aiment d'amour ! N'y touchez pas ! Ne touchez pas à l'amour ! C'est la lèse-majesté suprême ! Malheur, lorsque le beau est traîné dans la boue ! "

" Qu'y a-t-il de pire dans la vie que ce que j'ai vu ? - Son éternel recommencement ! "

" Regarde les vagues, à présent, les perfides, les infidèles, berceaux et berceuses des vents !... Ce que le feu n'a pu consumer sur la terre, elles l'engloutissent ! Flammes humides, vertes, métalliques, salées ! Flammes couchées qui éteignent ! Vois, vois, ce que la mer a détruit, pillé ! Figures de proue, seules visibles, seuls signes de tant de navires par le fond… Tu peux lire les noms : " Justice ", " Amitié ", " Paix ", " Espérance ". "

" La nuit tombe, la mer monte, l'orage éclate ! Mais que font les marins en voyant le Sauveur ? Ils hurlent à la fois de haine et d'épouvante ! Regarde, comme les pourceaux possédés de Tibériade, ils se jettent au gouffre par crainte du Rédempteur ! "