Une mort secrète
de Richard Ford

critiqué par Tistou, le 2 avril 2009
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Sud profond, entre Mississipi et Arkansas
« Une mort secrète » est le premier roman de Richard Ford et on n’est pas étonné qu’on ait évoqué à son sujet une filiation « Faulknérienne » ou « Harrisonienne ». Pour un premier roman, c’est un coup de maître, à coup sûr. On est dans l’intangible, dans le flou – comme devant une image tremblotante – rien n’est certain, tout peut arriver sans qu’on n’en comprenne vraiment la raison, sans qu’on en soit sûr en tout cas.
Moins « divaguant » que Faulkner ou Harrison, plus centré sur son histoire, peut-être plus facile à lire parce que moins foisonnant, mais flou néanmoins, laissant l’incertitude flotter et le lecteur interpréter. Il laissait augurer déja d’une grande maîtrise du type de narration choisi ; pas vraiment linéaire, pas vraiment « raccord ».
Un homme, en retour sur son passé, part sans explication vers sa terre natale. Il a des choses à retrouver, et notamment sa cousine avec qui la relation est tout sauf simple. Un autre est quasiment envoyé vers le même endroit, une île, par sa partenaire, plein de confusion (et nous avec lui). Et puis sur cette île (sur le Mississipi), qui n’existe sur aucune carte (on apprendra pourquoi et comment) se trouvent trois personnes au parcours étonnant, comme le Sud des Etats-Unis (à en croire Faulkner, Gaines, ou Ford ici) sait en secréter.
Tout ce beau monde se retrouve en communauté de vie, au moins pour un temps, et Richard Ford se régale à nous embrouiller dans tous les sens. Du Faulkner en moins foisonnant.

« Robard considéra M. Lamb avec une expression bizarre.
Hewes, maintenant écoute-moi bien, commença le vieux en s’adossant à sa chaise jusqu’à ce que les barreaux se missent à grincer et que le siège parût sur le point de s’effondrer. Suffit que tu montes dans ta Jeep et que tu sillonnes les routes de l’île. T’inquiète donc pas desquelles tu prends, ni d’où tu pars, tant que tu sais où tu vas et que tu trucides personne, et que personne te trucide, mais surtout laisse aucun de ces fils de pute débarquer de là-bas en catimini pour me massacrer mes dindes. Tous les chemins finissent par aboutir ici.
Robard gardait les yeux rivés à son assiette, mais il observait discrètement les autres convives comme s’il n’aimait pas recevoir des ordres devant autrui.
D’accord, dit-il.
Mais si t’as l’occasion de buter le vieux Gaspareau, j’te permets de pas le rater. Les yeux du vieux s’illuminèrent.  Mme Lamb t’en sera éternellement reconnaissante. »

Du tragique, il va y en avoir (et Richard Ford nous le sert en prologue !). C’est très agréable à lire même si l’on se fait beaucoup balader.
A noter que cette première oeuvre a été traduite par Brice Matthieussent, le traducteur attitré de Jim Harrison.