Les mains nues
de Simonetta Greggio

critiqué par Garance62, le 20 avril 2009
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Pour aimer, pour donner la vie et donner la mort
C’est ce que les mains d’Emma, vétérinaire de campagne de quarante-sept ans, savent faire.
On ne choisit pas son destin ? Emma a en tout cas choisi la solitude, meurtrie par son amour de jeunesse (c’est un roman, ouf, heureusement ! ) qui est aussi présent que des dizaines d’années auparavant. « On ne peut pas se boucher les oreilles quand les voix viennent de l’intérieur ». Emma a fui l’homme qu’elle aimait, qu’elle ne pouvait imaginer autre que son compagnon de vie. Une autre femme, plus forte, a pris le creux de son épaule.
Le fond de l’histoire, mis en avant par la quatrième de couverture, c’est l’histoire entre Gio, quinze ans et cette femme solitaire. Je n’ai pas aimé le résumé qu’en a fait la maison d’édition car il élude la fuite d’Emma qui a tout mis en œuvre pour oublier cet amour perdu, cicatrice inguérissable, pour couper les ponts et à qui le passé revient avec la force d’un boomerang inattendu.
Il est aussi question de son histoire familiale, de sa mère, de sa maladie qui touche à la mémoire. Mémoire qu’Emma a justement trop vivace.
Tous les personnages de ce petit roman sont entiers. Ici, pas de place pour les demi-teintes. Pas d’atermoiements non plus. Les différentes tranches de vie qui jalonnent l’histoire d’Emma sont marquées, fortes, voire violentes. Le rythme de la narration est soutenu, relancé régulièrement par des évènements, pierres posées sur le chemin de vie d’Emma, qui nous font bien sentir le personnage. Puis, le rythme redevient plus calme avec des pauses descriptives autour de la nature. Nature très présente. Trop ?
Je me suis demandée si les hommes (Emma est une femme) bureaucrates citadins (qui vit près de la nature, confrontée aux éléments) pouvaient apprécier ce livre… Peut-être en aurai-je des échos ?
J’avais déjà lu « Etoiles » de cette auteure. C’était beaucoup plus léger. Simonetta Greggio a gagné en force d’écriture tout en restant très accessible.
Belle sensibilité 9 étoiles

Le marketing autour du roman a surtout été axé sur cette relation physique entre cette femme mûre et un adolescent, histoire de provoquer, mais cet aspect est abordé avec tellement de finesse qu’il n’y a rien pour heurter la morale. En fait, il s’agit d’un portrait de femme très juste. Ceci accompagné par un décor idéal pour parler d’amour déchus, une campagne rude où les gens sont ancrés dans la terre.

J’ai été captivé par ce récit où la violence des sentiments est racontée avec pudeur et retenue. Un excellent petit roman.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 14 octobre 2011