Antenora
de Margaret Mazzantini

critiqué par Débézed, le 20 avril 2009
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
« … la vie est un souci qu’on ne devrait pas avoir. »
Quand sa grand-mère décède elle se souvient de cette vieille femme qui se désagrégeait au milieu de ses amies toutes décaties, « Tu as vu comme elles sont vieilles, mes amies ? Mon dieu, dans quel état elles sont ! ». Après avoir évoqué cette grand-mère, elle nous emmène dans une excursion de son arbre généalogique à la découverte de ces ancêtres riches terriens qui ont dilapidé leurs biens, incapables de tirer quelques fruits de leur immense domaine. Quelques générations de femmes mal mariées, souvent trop tard avec des maris de circonstance pour ne pas rester veuves et faire perdurer l’héritage, incapables de donner suffisamment d’amour à leur mari, souvent trop faibles, et à leurs enfants qui ne leur ont apporté que douleur et peine. Toute une ascendance qui ne recèle que la misère sentimentale et affective avant de subir la vraie misère matérielle et physique quand vient le fascisme et son cortège de malheur : la guerre, les privations, les choix et leurs conséquences, …

Fille d’Irlande et d’Italie, Mazzantini, livre un portrait sans complaisance aucune de cette famille où l’amour tant affectif que physique n’existe pas ou presque pas, où les femmes ne sont pas aimantes, où les mères ne sont pas maternelles, où les époux sont résignés. Un monde que les odeurs identifient bien et qui prennent une place prépondérante dans le récit. « Le premier souvenir que j’ai d’elle est olfactif : l’odeur de la naphtaline des vêtements dans lesquels ses aisselles éternellement humides transpiraient ; l’odeur de sa bouche, quand elle montrait les dents toutes identiques de sa prothèse pour me faire la fête ; l’odeur âpre de la paume de sa main qui serrait mon visage. »

Un récit d’un grand pessimisme sur l’existence, aussi sombre que la vie de sa grand-mère « Elle mâche ses paroles, se raconte sa peine, le calvaire qu’est pour elle la guerre, et celui que sont ses fils. Ses fils qui ne lui ont donné que de la douleur ». Et cette vie de douleur et de frustration, n’est qu’un prélude à une dégénérescence inéluctable vers les affres de la vieillesse et de la solitude. Cette vieillesse qui pue et qui emmerde tout le monde, gâchant la vie de ceux qui pourraient encore en profiter. « Non, la vie est un souci qu’on ne devrait pas avoir. »

Un livre sombre un peu trop scatologique et parfois étonnamment grandiloquent dans ce contexte misérabiliste. Un livre à déconseiller aux pessimistes et aux anxieux.
le poids du passé 9 étoiles

Un portrait pessimiste ou réaliste? Là est toute la question, car le vingtième siècle des femmes italiennes n'est pas que la dolce vita, mais aussi un vie de frustrations, de guerres, de services et aussi de petits plaisirs qui rendent la vie supportable. C'est ainsi la vie tout court avec son cortège de positif et de négatif, de violence et de douceur. La narratrice se voit prise dans le filet de ce passé tissé par les femmes, en particulier son aïeule, et tente par le récit de s'en libérer. "Comme j'ai eu envie de les libérer, tous ces aïeuls d'enfance, et de les prendre avec moi pour leur offrir une de mes journées. Leur montrer la façon que j'avais d'envoyer tout le monde se faire foutre."
Un beau portrait d'une Italie de femmes au vingtième siècle.

Printemps - - 66 ans - 14 juin 2009