Ballets roses de Benoît Duteurtre

Ballets roses de Benoît Duteurtre

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Bidoulet, le 29 avril 2009 (Inscrit le 18 octobre 2005, 56 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 4 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (58 434ème position).
Visites : 4 531 

Un vieux scandale de moeurs que les moins de vingt ans...

Benoît Duteurtre relate une affaire de pédophilie avant l'heure au moment où la France de 1958 bascule dans la Vème République. L'épisode des "ballets roses" implique André Le Troquer, qui vient tout juste de quitter le Perchoir de l'Assemblée nationale, au cœur d'un banal scandale de partouzes mondaines dont les victimes sont des jeunes filles à qui on fait miroiter des carrières de starlettes. A cette époque, Le Troquer est l'un des tout premiers personnages publics de l'Etat et un grand rival de de Gaulle. Il est surtout une victime collatérale du sacrifice consenti par René Coty, ou du coup d'état – c'est selon le point de vue - pour permettre le retour de Mon Général à la tête de l'Etat. De Gaulle devenu Président du Conseil puis Président de la République, Le Troquer serait tombé dans l'anonymat si la presse ne s'était pas occupée de son cas durant les mois où enflait la rumeur de sa compromission dans cette affaire de mœurs.
Alors que la restitution des années Coty était sublime dans les "Pieds dans l'eau", il faut avouer que, cette fois, Benoît Duteurtre semble avoir oublié d'enrober la chose avec la poésie et la prose qu'on lui connaît ordinairement. Et quand malgré tout, il propose, à de très rares exceptions, quelques courtes descriptions contextuelles, elles tombent un peu à plat ou sont carrément erronées :
"Dans les années soixante, le feuilleton préféré des enfants s'intitulait le Manège enchanté. Chaque épisode se terminait au ciel où le "marchand de sable", perché sur un nuage, jouait de la flûte et répandait le sommeil sur terre. Deux poupées de ma sœur représentaient les jeunes héros de cette série : Nicolas, vêtu de bleu, et Pimprenelle, de rose."
Eh bien non, cher Benoît Duteurtre, vos souvenirs ne sont pas fiables. Ou bien vous les inventez, mais mal. Ou bien votre éditeur ne fait pas bien son travail de relecture (par ailleurs, plusieurs coquilles d'imprimerie sont à déplorer dans ce livre), car la série que vous évoquez n'est pas "le Manège enchanté" mais "Bonne nuit les petits". Ce que tout quinquagénaire qui a eu la télévision dans les sixties sait ! (Entre parenthèses, le Manège enchanté, ça n'a rien à voir !)
Trêve de plaisanterie, voici un objet littéraire qui ressemble indubitablement à un livre de commande, intéressant sur le fonds, pour les amateurs de croustillantes mondanités d'une France surannée, mais franchement sans âme et, cela me déchire le cœur de l'avouer tant j'aime Duteutre. Evidemment, il ne s'agit pas là d'une oeuvre romanesque mais d'un essai.
Dans les cinquante dernières pages, l'auteur abandonne enfin la description factuelle et monocorde des faits pour prendre du recul et évaluer en toute objectivité les soupçons de complot gaulliste contre Le Troquer. On voit enfin poindre ce que l'auteur pense de ce scandale mondain.

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« Ranimer un moment de l'histoire »

2 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 19 février 2012

Première leçon de cette lecture: ne pas prendre pour argent comptant les critiques littéraires des magazines de salles d'attente!
Intéressée par les années concernées (1958 année de ma naissance), par le Président Coty (illustre havrais) et intriguée par ce nom d'André Le Troquer dont j'ignorais l'existence, je me suis donc lancée dans la lecture d'un nouveau titre de Duteurtre (arrière petit-fils de René Coty, on ne l'oubliera pas).
Peut-être est-ce effectivement l'une des raisons qui l'ont poussé à ressortir du passé cette affaire...

Benoît Duteurtre « plante » le décor historique pendant plus de la moitié du livre; la fin de la IV° république, le passage du pouvoir de Coty à De Gaulle.
(J'y apprendrai que l'élection du président de la république au suffrage universel date de 1962.)

D'abord à l'aide d'extraits des journaux personnels des principaux hommes politiques de l'époque ; mais ces données ne peuvent être que subjectives, car on peut légitimement penser que les auteurs s'adressant à leur postérité, dressent un auto-portrait flatteur de leurs vies et de leurs carrières.

Coty nous est donc présenté comme un « catholique tourmenté » mais un homme complètement intègre, qui pour le bien de son pays laissera sa place au général de Gaulle.
Là, le portrait est plus nuancé; seront évoqués l'accession au pouvoir et particulièrement le fait « d'oublier » les anciens amis encombrants ou inutiles, le despotisme du général et la montée de l'anti-gaullisme dans les partis de gauche.
« Les soi-disant chefs des soi-disant partis auraient préféré continuer à jouer à la belote. Mais moi, je les ai obligés à jouer au poker. Et là, je suis le plus fort. »

Puis, l'existence des ballets roses, le rôle de Le Tronquer, sa mise en accusation, ainsi que sa compagne Élisabeth Pinajeff, le rôle d'un certain Jean Merlu, rare protagoniste encore vivant et sa rencontre surprenante.
L'auteur nous fera lire des extraits de procès-verbaux et d'un livre écrit par le principal accusé qui continuera jusqu'à sa mort à clamer son innocence et l'existence d'une machination.
On sera surpris de lire les commentaires sur un événement qui, 50 ans plus tard, mettra directement en prison des personnes simplement soupçonnées de ce genre de pratiques. Et ces commentaires impensables : « Ce procès n'est pas seulement celui d'une bande d'adultes pervers, mais celui d'une jeunesse moralement inconsciente guidée par la seule quête du plaisir. »

Ce n'est donc pas tant par le contenu, qui n'apporte aucun fait ou éclairage nouveau, faisant plutôt une synthèse de documents, mais par la forme que j'ai été déçue. Un réel ennui. Seules les dernières pages cessent d'être une sorte de compte-rendu et laissent la place à un point de vue plus personnel.

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