Le puisatier des abîmes de Bernard Tirtiaux

Le puisatier des abîmes de Bernard Tirtiaux

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Persée, le 9 décembre 2001 (La Louvière, Inscrit le 29 juin 2001, 73 ans)
La note : 7 étoiles
Visites : 7 983  (depuis Novembre 2007)

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Après nous avoir promené dans un lointain passé, Bernard Tirtiaux nous emmène dans un futur qui pointe sur notre présent un doigt accusateur.
Un géologue s'attelle au projet titanesque d'enfouir les déchets toxiques dans les poches magmatiques qui jouxtent les entrailles de la terre.
La saga de ce surhomme, c'est son fils qui nous la raconte. Un fils cloué sur une chaise roulante.
Mais, même cloué, ce papillon-là battra bellement des ailes. Lorsque le père trouve auprès d'une multinationale le soutien indispensable à son projet humanitaire, il se lance dans un assainissement planétaire comme on n'en n'a plus vu depuis le nettoyage des écuries d'Augias.
A un point tel qu'il finit par faire ombrage au "potentarque" des Etats-Unis d'Europe, qui fait peser sur le continent la chape de plomb d'une sorte de "démocrature" (un régime entre brun clair et brun foncé, si vous voyez ce que je veux dire).
Notre puisatier des abîmes fait les frais d'un procès post-stalinien. Condamné à sept ans de prison, il charge son fils de poursuivre son rêve. L'infirme, qui se passionne pour la manipulation d'images sur ordinateur, opérera alors un long travail de sape derrière ses écrans. Le papillon travaille au fond de sa chrysalide. Se montrera-t-il à la hauteur de sa mission ? Parviendra-t-il à s'envoler ?
"Se surpasser", ce n'est jamais que faire un pas de plus. Les héros de Tirtiaux cultivent ce "plus" jusqu'à le faire fleurir à l'ombre de nos médiocrités. Et pourtant, c'est le signe "moins" qui les handicape au seuil de leur quête : le Passeur de Lumière a perdu une jambe, le fils du puisatier, les deux. Ils n'en deviennent pas moins des faiseurs de beauté, des êtres qui se libèrent en libérant l'autre.
Mais un manipulateur d'images, un faussaire infirme, peut-il, à coups de mensonges, combattre au nom de la vérité ? Oui, sans doute, car plus est grande la part de mensonge sur laquelle se fonde une société, plus il faudra se servir du faux pour dire le vrai. Tout bon romancier, tout bon artiste, ne fait rien d'autre, au fond : sa fiction nous agrafe au cÏur une vérité plus poignante que les reportages les plus objectifs.
Paradoxe : avec son fouailleur d'abîmes, Tirtiaux nous tire vers le haut. Son imaginaire s'épanouit comme jamais, en même temps que son métier de romancier le rend plausible. C'est qu'il fallait … se creuser pour accoucher d'un sujet aussi improbable et le vêtir de nos angoisses les plus contemporaines jusqu'à lui donner une dimension mythique !
Les cinquante premières pages charrient des images dantesques qui se mettent ensuite à couver sous le cendre. On piétine un peu dans le coeur du roman où pèse une atmosphère lourde. Viennent les cinquante dernières pages où le feu se ranime, nourri par l'explosion des bombes à retardement semées comme par inadvertance au fil du récit. Le suspense monte alors comme une éruption lente. Superbe !

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Les éditions

  • Le puisatier des abîmes [Texte imprimé], roman Bernard Tirtiaux
    de Tirtiaux, Bernard
    Denoël
    ISBN : 9782207246375 ; 17,80 € ; 05/05/1998 ; 286 p. ; Broché
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