Erik Orsenna s’est fait pour spécialité de s’emparer de gros thèmes, à bras le corps, et de prétendre les traiter un peu sous toutes les coutures. J’écris bien « prétendre » puisqu’Erik Orsenna n’est pas multi-spécialiste, n’est pas le « couteau suisse » de sujets aussi divers que l’eau, le papier, le coton …
Du coup, c’est traité, pour qui connait un peu le sujet – c’est mon cas au moins pour l’eau et le papier – avec un fond intéressant mais un côté amateur qui transparait immanquablement à un moment ou à un autre. Et c’est embêtant vu qu’il traite le sujet concerné de manière comme définitive.
Il est vrai qu’il n’y a pas que des aspects techniques concernant l’eau ; c’est effectivement un sujet majeur qui risque de déchirer des pans de notre planète dans les années à venir. Et sur les aspects plus politiques, plus philosophiques ( ?), oui, là il est davantage dans son rôle.
C’est que tout est abordé dans cet essai. Qu’est-ce que l’eau ? Comment elle se transforme ? Et puis des situations concrètes qui permettent à Erik Orsenna de braquer le projecteur sur le point qu’il veut mettre en valeur ; l’adaptation d’une espèce animale en milieu désertique, les dangers que peut faire courir l’eau entre une surabondance ou une contamination, … L’éventail est vaste s’agissant d’un élément aussi essentiel à notre vie.
Cet extrait illustre bien l’ambition du propos :
« Première erreur, généralement commise: l'eau n'est pas le pétrole. L'eau est une ressource renouvelable. Pour comprendre l'eau, il ne faut pas comprendre gisement, mais cycle. Le risque n'est donc pas que s'épuisent des gisements, mais que se dérèglent des cycles. La déforestation, par exemple, dérègle un cycle et réduit les pluies.
Deuxième erreur, elle aussi généralement commise: le réchauffement global ne va pas diminuer la quantité d'eau disponible, mais l'accroître. L'intensification de l'effet de serre va augmenter le rayonnement solaire à la surface du globe. En conséquence, l'évaporation aura tendance à s'amplifier. Plus d'humidité dans l'air se traduit par davantage de précipitations.
Troisième et quatrième erreurs: croire à la régularité, croire à l'égalité. Par sens moral tout autant que par paresse intellectuelle, on voudrait penser que ce surcroît de précipitations se répartira régulièrement sur toute la planète.
Des mécanismes complexes, qui impliquent le jeu des courants d'air dans l'atmosphère, font qu'il n'en sera rien. La violence et l'injustice triompheront. Des canicules alterneront avec des déluges. Les régions déjà bien arrosées seront inondées. Les zones arides recevront moins encore.
Un point de vue global ne raconte rien d'utile. Pour servir à quelque chose, toute analyse doit se référer à des réalités locales. »
Oui, c’est un vaste, vaste sujet. Est-ce qu’un académicien plutôt philosophe plutôt économiste était le mieux placé … ? A vous d’aller voir. De toutes façons on ne s’ennuie pas.
Tistou - - 68 ans - 23 mars 2015 |