Rien à craindre de Julian Barnes

Rien à craindre de Julian Barnes
( Nothing to be frightened of)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Garance62, le 21 mai 2009 (Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 255ème position).
Visites : 5 308 

A déguster avant qu’il ne soit trop tard..

Julian Barnes, né en 1946 en Angleterre nous convie dans cet ouvrage à une longue promenade littéraire en compagnie de la mort. Pendant 300 pages, il va raconter avec brio, intelligence, distance, et humour –british bien évidemment- les visions kaléidoscopiques de ce moment si particulier en compagnie de personnages célèbres : Jules Renard, Chostakovich, Ravel , Somerset Maugham… mais aussi avec des proches et d’autres, inconnus, remarquables par une certaine dose d’originalité.

J. Barnes va émailler son récit de pensées, de réflexions argumentées sur la mort, l’athéisme, la croyance et aussi sur la mémoire, sujet traité dès le début de l’ouvrage. La vision de son frère, philosophe, va permettre un regard particulier sur le souvenir. La fuite de la mémoire est un sujet de préoccupation redondant, mémoire et souvenirs qui la transforme, l’enjolive, la détourne, la fausse. Mémoire indispensable pour savoir que l’on est encore vivant : « On est ce qu’on a fait. Ce qu’on a fait est dans sa mémoire ; ce dont on se souvient définit qui l’on est ; quand on oublie sa propre vie, on cesse d’être, même avant sa mort ».

Sans que jamais le nom de la maladie dont ont souffert ses parents ne soit prononcé, Julian Barnes nous dit à quel point cette mémoire est l’essence même de la vie. Raison de vivre et sens de la vie sont aussi traités. L’écrivain –qui n’a pas d’enfants- s’interroge sur les traces qu’il va laisser, quand on sait –dixit un astrophysicien de renom dont il relève le discours- que l’espérance de vie de notre système serait de six milliards d’années. Y aurait-il un « salaud » qui serait son dernier lecteur en ne transmettant pas son livre ?

Alors, essai sur la mort ? Diantre non ! Pas que cela. Les parents et grands parents, son frère, philosophe, sont très présents dans cet ouvrage. Il faut d’ailleurs attendre plus de 200 pages pour que J. Barnes écrive réellement sur ses parents. Une relation acrimonieuse qui finit par des ressentiments -phrases à l’appui-, des paroles blessantes, humiliantes où la perte de mémoire du père permet à cette mère amère de fustiger celui sur qui elle a exercé son pouvoir. Passage de quelques pages seulement, coincées entre Jules Renard et Montaigne, comme pour en minimiser la profondeur ( ?).
Alors autobiographie ? Que nenni. Ouvrage inclassable donc et c’est bien ainsi. Si j’ai adoré le début du livre j’ai toutefois été moins conquise par les dernières pages. Mais sur 300, c’est peu.

Humour et mémoire ai je dit ? Si vous me le dites ! Mauvais plagiat de ma part : « La mémoire est l’identité ? je crois cela depuis… oh depuis que je suis capable de me souvenir ». Un avant goût de phrases délicieuses à déguster avant qu’il ne soit trop tard !!

Humour et mémoire ai-je dit ? Si vous me le dites ! Mauvais plagiat de ma part : « La mémoire est l’identité ? je crois cela depuis… oh depuis que je suis capable de me souvenir ». Un avant goût de phrases délicieusement délicieuses à gouter avec un écrivain dont la biographie pourrait être : "Levé(..). Ecrit livre. Sorti, acheté bouteille de vin. Rentré, préparé dîner. Bu vin. »

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Flânerie

9 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 8 décembre 2013

Voici un livre qui n’est ni une œuvre de fiction, ni une biographie, ni vraiment un essai. Ce n’est pas non plus un livre de philosophie, bien que..
Plutôt une flânerie , très littéraire dans l’écriture et la construction ( redoutablement efficace, car elle rend le livre passionnant alors que le sujet , la mort, et la peur de la mort, c’est dit, peut dissuader..). Pleine d’humour, de citations ( beaucoup de Jules Renard , cela m’a donné l’envie de relire son Journal, tant les extraits empruntés m’ont semblé fins et drôles . Un connaisseur certes, ce Jules Renard, qui a vu sa mère tomber dans un puits,son père se suicider à son domicile d’un coup de fusil, son frère mourir à son bureau des suites d’une intoxication liée à un chauffage mal réglé ..).

Pleine également d’anecdotes sur des écrivains, des musiciens ( surprenant Rossini..), bref un régal d'érudition et un art parfait de l'autodérision!

Egalement un portrait familial ( vie et mort d'une famille, grands parents, parents, et un frère, philosophe légèrement déjanté, spécialiste d'Aristote et vivant lui aussi en France.). Les deux frères faisaient d'ailleurs le malheur de leur pauvre mère .
Un de mes fils, disait-elle, publie des livres que je peux lire mais ne peux pas comprendre, et l'autre écrit des livres que je peux comprendre mais ne peux pas lire

. Pauvre Mrs Barnes!

Et une réflexion sur ce qu'est un romancier, ce qui fait démarrer une histoire.

Un petit extrait à ce sujet:


La fiction est créée selon un processus qui combine une liberté totale et un contrôle absolu, qui contrebalance l’observation précise par le libre jeu de l’imagination, qui utilise des mensonges pour dire la vérité et la vérité pour dire des mensonges. Elle est à la fois centripète et centrifuge. Elle veut raconter toutes histoires, dans toutes leurs incohérences, leurs contradictions et leur insolubilité; en même temps, elle veut raconter LA vraie histoire, celle qui fond en une seule et raffine et résout toutes les autres histoires. Le romancier est à la fois un impudent cynique et un poète lyrique, s’inspirant de l’austère exigence d’un Wittgenstein- « ne parle que de ce que tu peux vraiment connaître »- et de l’espiègle effronterie d’un Stendhal.

Même s'il est très facile- et un régal- à lire, c'est un livre très touffu, et il me faudrait plus de temps, et de talent d'écriture pour rendre hommage au travail de Julian Barnes.

Le début ici:
http://lexpress.fr/culture/livre/…

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