Les livres ont un visage de Jérôme Garcin

Les livres ont un visage de Jérôme Garcin

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Garance62, le 1 juin 2009 (Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 4 000 

Merci pour ces beaux partages monsieur Garcin

Quelle bienveillance ! C'est à des moments de partage inédits que nous convie avec élégance Jérome Garcin, nous prenant par la main pour nous permettre de côtoyer, à travers son regard, ses sentiments, ses mots- et quels mots!- quelques écrivains connus, inconnus et écrivaines -trop peu- un des deux doux reproches que je lui ferais.

Avec surprise, il nous fait passer d'univers aussi différents que la demeure de Saint-Florent-le-Vieil, en la compagnie de Julien Gracq au village de Ropraz et à son cimetière à l'histoire si singulière où a élu domicile Jacques Chessex, au lieu parisien où vit François Nourrissier, gardien de ruines si particulières, au pays d'Auge que Jean-Yves Cendrey a du quitter après y avoir débusqué une âme noire. Certaines fois, le lieu n'a aucune importance, certaines fois il pèse de tout son poids tel le refuge breton où JMG Le Clézio passe une partie de son temps.

Le choix de ce livre s'est fait sur le thème développé par J. Garcin, ces "maisons de papier" mais aussi et surtout parce que dès la première phrase le ton est donné :
"Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé m'introduire en catimini chez les écrivains, leur dérober un peu d'intimité, fouiller leur bureau, leur fourbi, ramasser leurs brouillons dans la corbeille, étudier leur profil au travail et, à la campagne, observer les perspectives de la terre labourée et du ciel moutonné que la vue offrait chaque jour à leur imagination, à leurs regrets parfois aussi à leurs doutes."
Il est évident que l'écriture sera belle, que le chemin tracé par les mots de l'auteur sera aussi réjouissant qu'un bon vin, un beau paysage ou une peau qui fait battre le coeur plus vite. Pas de grande déception, à peine sur la fin trop d'importance est-elle donnée aux équidés, passion commune de Jérome Garcin et de certains écrivains choisis. On ne lui en veut pas longtemps puisqu'il excelle autant à écrire sur ces « mystérieux animaux » que sur ses amis de plume, tel Bernard Frank dont on découvre avec émotion une esquisse des rapports qui le liaient à l'architecte du Masque et la Plume.

C'est un livre qui donne envie d'en lire cent autres, tant il est émaillé de références de livres, d'écrits, de références mythologiques, historiques. Rien n'échappe à Jérome Garcin qui ne donne jamais dans l'approximation, qui décrit avec précision, rigueur mais aussi avec poésie et distance rapprochée. Car l'émotion n'est jamais loin, que ce soit pour décrire avec tendresse l'univers si fragile de Sempé, les souvenirs passionnés de Christine de Rivoyre ou le dénuement matériel choisi et assumé de Nicole Lombard.
Un camaïeu de personnages lettrés, cultivés auquel il rend à chaque fois un bel hommage en ayant eu soin de travailler comme un orfèvre ses phrases, en les ciselant, en les dorant à l'or fin des hommes cultivés dont il fait partie depuis toujours, fils d'un père qui correspondait avec Jean Paulhan, Gaston Bachelard ou Gilles Deleuze. Pour notre plus grand bonheur.
Un court extrait pour vous mettre en appétit :
" C'est ça, Boulanger. D'audacieuses métaphores, une prose joufflue, une langue craquante, de jubilants mariages, de l'incongru en goguette, du chaud-froid de français, le besoin de pervertir, de chantourner le réel, qui est si triste si l'on se contente de s'y soumettre".
Ne vous privez pas de ce petit bijou qui réjouira tous ceux qui aiment les belles lettres.

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