Les origines du langage : Les origines de la culture
de Jean-Louis Dessalles, Pascal Picq, Bernard Victorri

critiqué par Bolcho, le 20 juin 2009
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Bla bla bla bla
Dans la série sur « Les origines de la culture », cet opus sur le langage est particulièrement réussi et surtout propre à intéresser les bavards de Critiques libres que nous sommes tous.

Après un rappel un peu technique où on vous remet en mémoire les phonèmes, les morphèmes, l'appareil phonatoire, l'appareil auditif, etc, on s'interroge assez rapidement sur l'existence ou non du langage chez nos ancêtres hominidés, fort lointains, mais sympathiques tout de même. Vous aurez droit à des considérations attendues sur la taille du cerveau et sur l'utilité ou non de parler quand on chasse ou pêche (mais on ne parle, hélas, pas de la taille du cerveau des prédateurs actuels de nos bois et rivières...la question reste donc ouverte).

Puis nous sommes entraînés à la recherche de la « langue mère », unique, celle que parlaient nos ancêtres d'il y a 150 000 ans. Résultat ? Elle a existé en théorie, mais de là à la retrouver, il y faut beaucoup d'imagination. Par contre, vous pourrez vous entraîner au « protolangage » (genre « Alfred lapin tuer » : quand on vous disait pour les chasseurs...) et vous constaterez que l'évolution vers nos langues actuelles ressemble à celle des « pidgins » vers les « créoles » avec l'apparition de la syntaxe et de la grammaire.

Deux auteurs nous décrivent deux hypothèses sur l'apparition des langues complexes actuelles. Je les résume (très fort) ci-dessous.

La première est basée sur la fonction narrative des langues. L'auteur constate (avec Girard) que tous les mythes et religions fondent les interdits sur des récits mettant en scène des personnages sacrés qui violent ces interdits. L'apparition du langage complexe viendrait de l'époque où l'homme – devenu trop intelligent pour obéir à ses instincts lui dictant de ne pas tuer son entourage (les animaux y obéissent, eux) - aurait dû mettre au point un moyen culturel de remplacer ce frein instinctif. C'était le récit, le rappel de situation semblables qui avaient entraîné des catastrophes en série. Puis on aurait trouvé « plus efficace d'organiser des manifestations régulières pour évoquer ces scènes ancestrales et les actes à prohiber ». Les religions en quelque sorte.

La deuxième hypothèse n'est plus « religieuse » mais « politique » en quelque sorte. Elle part du constat que l'être humain échange énormément de messages avec ses congénères (déjà à l'âge de un an, nous signalons tout phénomène sortant de l'ordinaire). Et l'auteur de faire appel à un animal du Néguev (le Moyen-Orient comme par hasard, hein...non, je rigole), le cratérope écaillé. Ces oiseaux sont en concurrence entre eux pour s'acquitter des tâches les plus dures et les plus dangereuses : nourrir les petits, faire le guet, attaquer les prédateurs. S'ils veulent être acceptés dans les coalitions qui occupent les plus gros buissons (avec des chances de survie multipliées par trente !), ils doivent démontrer sans cesse leurs qualités. Les chimpanzés agissent un peu de même en faisant étalage de leur force pour entrer dans des coalitions de quelques individus. Mais les hommes entrent dans des coalitions beaucoup plus nombreuses où la force individuelle perd donc de son importance : ce qui fait sens, c'est la capacité de décoder son environnement au plus vite. Le langage permet d'étaler ce genre de capacité. Mais il suffirait de mentir en racontant n'importe quoi ? Non ! Les humains ont développé une fonction particulière du langage – le mode argumentatif – qui est un dispositif anti-menteur très efficace puisque les individus passent leur temps à relever toutes les incohérences dans le discours des autres.

Et le premier qui fait la parallèle avec les campagnes électorales sera privé de dessert !