Tout seul de Christophe Chabouté
Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers
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Kreiz er mor
Christophe Chabouté nous sert ici un one shot de grande qualité. Le titre ne laisse aucune ambiguité : "Tout seul". Où,d'après vous, peut-on le plus vivre une situation de solitude ? Dans quel endroit se retrouve t'on isolé du monde par la force des éléments, leur puissance destructrice ? Où est-on obligé d'être ravitaillé si l'on veut manger autre chose que du poisson ? Vous y êtes ? Sur l'océan, dans ces tours de pierre gardiennes des vies maritimes.
Quatrième de couverture :
"- Une vie à tourner en rond sur son caillou...
- Et qu'est-ce qu'il fait de ses journées ?
- Ben ça tu vois mon gars, c'est une question que je me suis jamais posée"
Un phare, donc, et le dialogue entre deux hommes qui déposent le ravitaillement sur ce caillou posé au milieu de la mer.*
Sue ce phare, un homme est né, il y a longtemps. Affublé d'une déformation physique, il ne s'est jamais montré à personne. Et personne n'a jamais cherché à le rencontrer. Le marin qui a promis à son père de le ravitailler ne s'est jamais posé la moindre question sur lui. Il n'en est pas de même pour le nouveau marin qui l'accompagne désormais. Que fait cet homme perdu au milieu de l'océan, que vit-il, comment vit-il ? L'imagination de Chabouté donne vie au peu de moyens dont dispose cet homme sur son île. C'est surprenant. Evident. Ça interpelle. Qu'en est-il de l'imagination quand on ne connaît que son caillou ?
Christophe Chabouté a illustré en noir et blanc cette touchante histoire. Très peu de texte. Le dessin est superbement parlant. 367 pages au format beaucoup plus proche d'un roman que d'une bd habituelle.
Une esthétique mise à la disposition d'une histoire pas banale et dont le dénouement est superbe.
Impossible de ne pas le conseiller très vivement.
Mais attention, rien de clinquant dans ce livre. Juste l'essentiel, la vie, l'amitié, la transmission, l'énergie.
*Me zo ganet e kreiz er mor (je suis né au milieu de la mer, début d'un poème de JP Calloc'h, poète Groisillon), célébre phrase qu'affectionnent les habitants de Groix, petite île bretonne.
Les éditions
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Tout seul [Texte imprimé] Chabouté
de Chabouté, Christophe (Scénariste)
Vents d'ouest
ISBN : 9782749304298 ; 25,50 € ; 17/09/2008 ; 365 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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La solitude, ça n’existe pas…
Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 26 mai 2013
Tel un sorcier animiste, Chabouté sait faire parler les objets les plus insignifiants comme personne, avec des plans serrés sur une lampe, un briquet usagé ou une vieille tong orpheline. Des objets récupérés au gré des courants comme des trophées dérisoires, exprimant tellement plus que les mots, révélateurs du personnage bien avant qu’on ne découvre son apparence physique… On découvrira que celui-ci, loin de se morfondre, a développé une faculté propre à l’enfermement et l’absence de liberté : l’imagination.
A l’aide de son trait joliment déchiqueté, allié à un noir et blanc se suffisant à lui-même, l’auteur nous propose une jolie fable sur la liberté, arguant que la destinée, si elle peut être infléchie par un événement mineur ou une rencontre hasardeuse, devra pour cela toujours être relayée par un choix individuel. Les faits les plus anodins peuvent alors prendre une dimension purement magique. C’est cela que nous montre Chabouté avec beaucoup de poésie et une pincée d’humour aigre-doux en direction de nos us et coutumes modernes. Mon seul regret : ce pavé, malgré ses 370 pages, se dévore beaucoup trop vite…
Humain, beau
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 14 novembre 2011
Respectant la promesse qu’il fit à un gardien de phare à la veille de mourir, un marin ravitaille à chaque semaine depuis 15 ans son fils souffrant de déformation et qui vit seul dans le phare. Il ne l’a jamais quitté, ni ne s’est montré à personne. Un nouvel employé du marin est curieux, se demande comment un homme peut vivre une telle solitude et va chercher à le contacter. On verra aussi que l’homme du phare est un être tout à fait fascinant, plein d’imagination.
C’est mon premier Chabouté et j’avais de grandes attentes, qui ont été comblées. C’est une bande dessinée à peu de textes, juste ce qu’il faut, et les dessins, immersifs. Mon genre. Une histoire sombre et lumineuse à la fois. À la fin de ma lecture, je sentais mon coeur comme réchauffé.
Le seul point que j’aurais à redire, c’est à propos du coup du dictionnaire, original, mais je trouvais parfois que les mots sur lesquels il tombait étaient forcés et arrangés avec le gars des vues. Des fois j’y croyais difficilement, mais ce n’était pas au point de me distraire de la beauté et de l’humanité du reste.
le silence de la mer
Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 4 septembre 2011
Je ne connais guère l'oeuvre de Chabouté. J'avais seulement lu et surtout apprécié son "Purgatoire", paru il y a quelques années.
La première chose que l'on retient de cette bd est... son prix, 25 euros, ce qui peut paraître assez rédhibitoire pour beaucoup.
Pourtant, cet album vaut vraiment le coût !
Depuis que je l'ai acheté, je l'ai lu deux fois et cette bd reste sur ma table de chevet, simplement pour admirer, de temps à autre, la beauté des planches.
Car tout le talent de Chabouté est là, il sait maintenir l'attention du lecteur sur une histoire qui se déroule... d'ailleurs où se déroule-t-elle, puisque le "dahlia" (le bateau de pêche) ne possède aucune immatriculation ? L'action se passe-t-elle au large d'Ouessant, voire vers l'Ile de Groix ou encore vers la Rochelle ? Nul ne le sait, et c'est d'ailleurs ce qui m'a touché car cette histoire appartient à tout le monde, c'est à dire qu'elle n'appartient à personne.
J'ai, je l'avoue, un penchant pour le noir et blanc en bande dessinée, et là, je suis gâté. Des superbes planches, souvent muettes (d'ailleurs les 366 pages se lisent très vite) sont réunies autour d'un personnage central... Non il ne s'agit ni du pêcheur repenti (tiens ! c'est marrant c'est presqu'une parabole...), ni du personnage mystérieux surnommé "Tout seul" mais du phare, lui-même, "un navire de pierre immobile, un bateau de granit qui ne tangue pas..."
Une histoire touchante de solitude, d'exclusion et de solidarité.
Lisez le...
Des images du monde...
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 7 septembre 2009
Très peu de textes mais une profusion de dessins en noir et blanc dans le plus pur style chaboutien qui plongent le lecteur dans un univers marin rempli d'odeurs et de sensations. On a l'impression de respirer l'air de la mer, les relents de poissons et de varech. On croirait entendre le bruit des vagues, le cri des mouettes, le sifflement du vent et surtout ce "boom" étrange qui se reproduit régulièrement dans le phare. Mais quelle est l'explication de ce bruit insolite ? D'où provient-il et pourquoi ?
Une très belle histoire qui démontre à quel point l'être humain en vient à se construire une prison de ses habitudes, de sa routine et de sa peur d'affronter le monde. Mais avec un peu de courage, on peut briser les barreaux de cette cage imaginaire et retrouver sa liberté. Après tout, la vie attend celui qui veut bien s'en saisir et qui parvient à dominer ses craintes pour partir à la découverte du monde réel et de ses trésors.
Cette album est le meilleur de Chabouté à mon avis. Il est irrésistiblement touchant, d'une tendresse remarquable. Le souci du détail de l'auteur démontre à quel point il est sensible et respectueux de la détresse humaine. Oui, c'est un humaniste mon Chabouté et je suis renversée devant tant de talent et de compassion dont il fait preuve dans cette bande dessinée inoubliable.
Tout un monde à créer
Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 13 juillet 2009
Imaginons donc...
Imaginons-nous plongés dans la solitude la plus absolue, isolés déjà du reste du monde par les vingt premières planches de l'album : aucune parole, un oiseau qui s'approche, se pose et reprend son vol ; la mer qui écume ; au milieu d'elle et de nulle part, un phare contre lequel elle s'écrase rageusement. "Boom" ! Et puis, plus rien.
Dans ce phare perdu vit un homme qu'on ne connaît que sous le nom de "Tout seul". C'est presque une légende. Dans le village côtier, tout le monde le connaît mais personne ne l'a vu, il serait né sur le phare même, difforme, un monstre caché par des parents trop honteux pour le dévoiler à la face du monde. Depuis la mort du père, c'est un vieux marin qui dépose chaque semaine des caisses qui permettent à l'homme - si c'en est encore un - de survivre. Le marin lui-même n'a jamais vu son client. Ca ne lui manque pas. Tout seul vit sur son rocher sans que personne ne s'intéresse à lui, jusqu'au jour où...
Dans l'immédiat d'ailleurs, ce "jour où..." ne changera rien. Tout seul demeure tout seul. Et que faire quand on est sur un rocher avec pour seuls compagnons un poisson rouge, une canne à pêche, quelques bibelots et surtout un dictionnaire ? Alors on n'a plus qu'à imaginer, à s'imaginer un monde inconnu à partir du peu que l'on connaît. Parfois, on tombe juste - ou à peu près - d'autres moins. Parfois, on est effrayé par ce que l'on découvre - soi-même ? - et d'autres fois encore, l'imagination montre ses limites - allez imaginer une "monocotylédone", vous, pour voir !
C'est cette ode à l'imagination et à l'évasion spirituelle que nous chante ainsi Chabouté dans cette splendide BD, à la fois drôle et remplie de poésie. Elle est touchante, sans jamais être larmoyante malgré quelques petits pincements au coeur. Car toujours, Chabouté trouve l'équilibre parfait en compensant ces moments de tristesse par un humour subtil et surtout beaucoup de ludisme : on se surprendra donc plus d'une fois à interrompre sa lecture pour se demander comment nous, nous nous représenterions un mot donné, ou encore mieux pour deviner à quel mot correspond l'image formée par l'esprit dynamique et naïf de Tout seul.
On est ainsi porté avec lenteur et au fil des émotions, en s'attardant sur les splendides dessins - vides de texte jusqu'à l'épuration - comme par les flots d'une mer calme qui nous mène jusqu'à un final très réussi qui ponctue un ouvrage dans lequel on aura sans doute plaisir à souvent se replonger, dans son intégralité ou au hasard des pages, ne serait-ce que pour, avec Tout seul, imaginer ce à quoi pourrait bien ressembler un hautbois.
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