Contes cruels
de Auguste de Villiers de L'Isle-Adam

critiqué par Manhattan, le 5 juillet 2009
(Marseille - 45 ans)


La note:  étoiles
Entre rêve rire et cruauté
Il s'agit d'un recueil de nouvelles publié en 1883 mêlant le fantastique et l'onirisme. Villiers réussit tel un maestro, à créer une ambiance particulièrement funèbre tout au long du récit.

Citons les quatre principales nouvelles :

"Véra" qui est le prénom d'une femme décédée; l'histoire d'un amant qui n'a pas fait son deuil, et qui est victime d'hallucinations. (On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec le poème "J'ai tant rêvé de toi" de R. Desnos)

"L'intersigne" nouvelle qui est racontée par un baron qui, voulant se détendre de la vie tumultueuse parisienne, rend visite à un vieil ami: l'abbé Maucombe.

"Le convive des dernières fêtes" conte dans lequel un invité prend place au sein d'un repas mondain et après le récit de ce mystérieux inconnu, on se dit qu'on aurait préféré rencontrer le diable.

"La torture de l'espérance" récit très court qui a donné lieu à un opéra et qui décrit la lente agonie d'un prisonnier face à son bourreau qui est autre que son geôlier.

Villiers "qui a du génie" disait son meilleur ami Mallarmé, apprécié par Huysmans et qui sera reconnu par le public seulement après sa mort.
Admirateur de Poe, Baudelaire et Wagner, il est sans doute l'un des précurseurs du surréalisme.
Cet écrivain parvient à étonner grâce à une ironie grinçante, à choquer par la cruauté des mots utilisés, et réussit à perdre le lecteur entre réel et irréel.

Cette oeuvre a connu beaucoup moins de succès que les histoires extraordinaires de Poe, mais elle mérite un coup d'oeil du fait de la qualité de sa prose.
Lourd à digérer, mais ça en vaut la peine 7 étoiles

Quelle plume ! Peut-être trop savante par moments, lourde, mais souvent aussi délicieuse, avec une belle oralité. Je ne sais quoi penser de ces contes : des fois j’aime, des fois non, des fois c’est difficile à saisir... Je les trouve beaux, mais peu m’ont transportée dans de hautes sphères de l’émotion. Dans le même genre, je préfère Edgar Allan Poe, je trouve qu’il a une façon de mieux doser ses histoires. Villiers de l’Isle-Adam a une plume plus poétique, mais Poe est plus frappant.

Sur la trentaine de contes, mes cinq contes préférés sont l’Impatience de la foule (tragédie parnassienne sous le fond de la Grèce spartiate, aussi écho aux stupidités des foules à toutes époques), Le convive des dernières fêtes (le plus gros conte du recueil où on rencontre un homme aux goûts particulièrement macabres), Duke of Portland (un conte avec beaucoup de non-dits et une aura entourée de mystère, un jeune lord connu se reclus brusquement), À s’y méprendre (court conte mystérieux et onirique, un homme a un rendez-vous quelque part, mais entre dans un endroit sombre et étrange) et Vera (très poe-esque, un homme dont la bien-aimée est morte et fait comme si elle était encore vivante).

Mon édition (Folio classique, 1456) comportait des notes à la fin avec de petites analyses pour chaque conte qui m’ont été très utiles pour une meilleure compréhension et appréciation.

Nance - - - ans - 27 juin 2010