Histoire de la Papauté, des origines au Concile de Trente
de Marcel Pacaut

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 9 juillet 2009
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Quand l'Histoire tient du miracle...
Écrire l'Histoire de la Papauté en 400 pages est une gageure et dans ce genre d'Histoire, il faut faire un choix ; on ne peut pas tout raconter.
L'auteur a choisi de passer rapidement sur les périodes où il se passe peu de chose et d'expliquer longuement les périodes de troubles ou de transition.
C'est ainsi que les cinq premiers siècles tiennent à peine en 20 pages.
Mais quand vient la première période de grands changements, avec le règne de Léon le Grand, quand le Pape se doit de sauver la civilisation face aux barbares, l'auteur s'attarde à longueur de pages sur l'Histoire des invasions. C'est alors difficile à suivre parce que l'auteur parle des barbares et de leurs rois comme si le lecteur les connaissait tous. Alors il faut, pour bien comprendre, aller voir dans d'autres livres de quoi on parle.

Et c'est ainsi pour toute l'Histoire de la Papauté.

Quand on explique comment les papes ont dû rechercher la protection des grands de ce monde il est beaucoup question des empereurs germanique, des princes italiens et des rois de France. L'auteur explique leur pouvoir, leur autorité, leur rivalité. Il parle de toutes sortes de guerres, d'alliances et de traités et on s'aperçoit que l'Histoire est bien compliquée et bien souvent trop mal connue.

Pour comprendre comment on en est arrivé à avoir jusqu'à trois papes en même temps, des papes en Avignon, d'autres à Rome, d'autres en fuite Dieu sait où, il faut vraiment s'informer de l'Histoire du siècle parce que l'auteur suppose que le lecteur sait tout.

Et il en va comme ça jusqu'à la fin : jusqu'à l'arrivée du protestantisme.
Parce que l'Histoire racontée dans ce livre s'arrête au concile de Trente (1545 – 1564.) au moment de Luther et Calvin.
(Ce qui m'a un peu déçu ; j'aurais préféré que ça s'arrête aujourd'hui.
J'aurais dû être plus attentif : c'était écrit en tout petit en dessous du grand titre : «De l'origine au concile de Trente. »)

C'est assurément un livre qui s'adresse à tous, il n'est pas compliqué, mais il demande du temps. Il est donc à recommander aux pensionnés qui, comme chacun sait, n'ont rien d'autre à faire qu'à consulter leurs vieux bouquins...(!)

Ça demande aussi, forcément, un certain goût pour l'Histoire. Mais c'est très intéressant : quoiqu'on en pense, il faut reconnaître que cette Histoire de «la plus vieille institution du monde» est extraordinaire. Les papes de la Renaissance étaient des princes flamboyants, des hommes de guerre, des débauchés. Et, à ce moment là, comme d'ailleurs à beaucoup d'autres moments, la survie de la papauté a été tellement providentielle, qu'il est légitime de penser que ça tient du miracle.

Alors on se souvient que Quelqu'un avait dit un jour, à propos de Pierre et de son Église, que «les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle».

Cette Histoire de la papauté qui s'écrit depuis deux mille ans, qui s'écrit tous les jours et qui, on le sait, s'écrira jusqu'à la fin des temps, est l'une des Histoires des plus intéressantes qui soient.
Ce livre n'est peut-être pas la meilleure façon de la raconter : c'est un raccourci, une vue de son évolution générale. Mais il sera conservé précieusement parmi la documentation ; il sera source d'arguments, quand il s'agira de répondre aux attaques insensées des gens qui, trop souvent, parlent sans savoir.
Une référence inoxydable 10 étoiles

Etonnamment, Marcel Pacaut conserve toute sa pertinence en 2022, et le tour de force qu'il opère avec son Histoire de la Papauté est certainement admirable: quel soulagement d'y voir un tel sérieux, une telle exactitude, une telle conscience professionnelle, alors même que le style est parfaitement digeste et que cette Histoire, sans tomber dans les travers de la "vulgarisation", peut être lue par tous! Autres temps, autres moeurs. Non que les excellents historiens aient disparu, mais inversement: qui n'autorise-t-on pas à écrire sur n'importe quel sujet! La qualité de la production, qui était essentiellement sélective et élitiste (dans le sens de la compétence) du temps de Pacaut, est sans comparaison avec la production moyenne d'aujourd'hui: la conscience contre le jmenfoutisme, la compétence contre le dilettantisme, le durable contre le jetable... C'était mieux avant? Et comment!

Essennoil - Paris - 44 ans - 29 juillet 2022