Jane et Prudence
de Barbara Pym

critiqué par Malic, le 26 juillet 2009
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Romanesque et Quotidien
Jane Cleveland et Prudence Bates, anciennes amies d’oxford, où la première fut le professeur de littérature de la seconde, renouent le contact à l’occasion d’une réunion d’anciennes élèves. Jane, la quarantaine, vient de s’installer avec son mari Nicholas, pasteur, et leur fille Flora, dans le presbytère d’une paroisse de la banlieue londonienne. C’est une femme cultivée, un peu excentrique et gaffeuse, très médiocre maîtresse de maison et pas toujours à la hauteur comme femme de pasteur.
Prudence, de dix ans sa cadette, est jolie, élégante, coquette et depuis l’université, elle multiplie les histoires d’amour qui ne vont jamais bien loin. A vrai dire, éprise de poésie et de tempérament romantique, elle aime sans doute davantage l’Amour que les hommes eux-mêmes et on peut parier qu’elle ira rejoindre la cohorte des vieilles filles qui peuplent les romans de Barbara Pym. Elle vient passer quelques jours au presbytère et fait la connaissance du beau Fabien Driver, un veuf inconsolable, du moins à ce qu’il voudrait laisser croire. Une nouvelle romance en perspective…
Comme à son habitude, Barbara Pym prend prétexte de quelques intrigues, amoureuses ou autres, pour mener son observation d’une communauté avec sa routine, ses potins, sa vie religieuse, ses petites péripéties sans importance mais qui sont le tissu de la vie. Le ton dominant est un humour sans méchanceté qui prend pour cible des personnages tous dotés de leur petit ou gros défaut : Prudence est un peu infatuée d’elle-même et ne manque jamais de s’extasier devant sa merveilleuse sensibilité ; Jane manque totalement de sens pratique ; son mari, Nicholas, est parfois puéril. Quand à Fabian Driver, c’est un séducteur superficiel et égoïste. Et n’oublions pas les deux vieilles filles, la redoutable Miss Doggett, qui proclame à qui veut l’entendre que « Les hommes ne cherchent qu’une chose… et nous savons ce que c’est… », et sa dame de compagnie, Miss Morrow, effacée en apparence mais qui cache bien son jeu.
Dans ce roman plein d’humour, de romanesque et de fine observation de la vie quotidienne, on retrouve tout le charme et les qualités qui ont fait le succès de Barbara Pym.

Extrait :

«Plus tard, tandis qu’allongée dans son lit dur, elle lisait à la lueur d’une bougie que Jane lui avait donnée, elle entendit le murmure des voix de Jane et Nicholas, qui parlaient de l’autre côté de la cloison, dans leur chambre à coucher. Les maris nous prennent nos amies, songea-t-elle, quoique Jane fût restée plus indépendante que la plupart de ses autres camarades qui s’étaient mariées. Et pourtant même Jane semblait être passée à côté de quelque chose ; ses recherches, ses travaux sur d’obscurs poètes du XVIIème siècle, n’avaient abouti à rien : elle se retrouvait à essayer, sans grande conviction, il fallait le dire, d’être une femme de pasteur efficace — et elle n’obtenait que des résultats très médiocres. Comparée à celle de Jane, l’existence de Prudence semblait riche et pleine de promesses. Elle avait son travail, son indépendance, sa vie à Londres et son amour pour Arthur Grampian. Mais si tel était son désir, elle pourrait mettre un terme à tout cela et tomber amoureuse de quelqu’un d’autre. Des files interminables de merveilleux célibataires passèrent devant ses yeux, et c’est sur cette plaisante perspective qu’elle sombra dans un sommeil léger. »
Vieille fille à 29 ans ? 9 étoiles

Prudence, jolie, élégante, a déjà 29 ans et elle n'est toujours pas mariée : à son âge, ça devient préoccupant, car la réserve d'hommes disponibles commence à se tarir. Son amie Jane, la quarantaine, est mariée à un pasteur. Dans le village de Jane, il y a un jeune veuf, beau, et Jane verrait bien Prudence se marier avec lui. Mais Prudence n'est peut-être pas la seule sur le coup...

Une petit communauté paroissiale, quelques employés de bureau, un veuf, des vieilles filles,.. c'est le cadre typique des romans de Barbara Pym. Il ne se passe pas grand chose, un calme qui donne du relief aux évènements forts, comme du thé renversé sur la robe en coton lilas d'une invité lors d'une tea-party dans le jardin sous le noyer. Ou une réunion paroissiale un peu agitée. Et pourtant, c'est passionnant ! On se prend d'affection pour les personnages, pour la femme de pasteur un peu lunatique et maladroite mais tellement humaine, et puis les romances de la jeune Prue qui a peut-être le défaut si féminin de trop aimer être aimée.

J'ai lu ce livre en anglais, puisqu'il n'est plus édité en français, ce qui m'a permis de m'immerger totalement dans l'univers "British" et suranné de Barbara Pym. Ce livre est une merveille d'humour et d'humanité. Un petit extrait, dans lequel Jane s'émerveille de la capacité féminine de tomber amoureuse d'un homme ordinaire, et se demande si la beauté d'un homme n'est pas un handicap pour la stabilité d'un mariage :

"But of course, she remembered, that was why women were so wonderful; it was their love and imagination that transformed these unremarkable beings. For most men, when one came to think of it, were undistinguished to look at, if not positively ugly. Fabian was an exception, and perhaps love affairs with handsome men tended to be less stable because so much less sympathy and imagination were needed on the woman's part?"

Saule - Bruxelles - 59 ans - 29 avril 2010