Hitler, tome 2 : 1936-1945
de Ian Kershaw

critiqué par Manu_C, le 27 juillet 2009
( - 55 ans)


La note:  étoiles
Pour comprendre
Après une très longue entrée en matière (tome 1) ; Kershaw, par un ouvrage encore plus long et dense, conclut la biographie d’Hitler par ses années de pouvoir et de destruction.

De même que le premier tome illustrait l’incroyable chance dont a disposé le personnage pour s’imposer ; ce deuxième nous décrit les conditions incroyables des années 1936-1945 caractérisées par :
• Un manque de lucidité complet de la part d’Hitler, persuadé de son infaillibilité et attribuant les échecs de façon systématique à des exécutants « incapables »
• Une incapacité notoire de son entourage à l’alerter sur les erreurs et les risques encourus par des décisions totalement déraisonnables
• Une désorganisation de l’appareil politique et administratif sciemment mise en œuvre par Hitler pour se préserver par la division
• La plus incroyable inhumanité qui soit dans la mise en œuvre de la solution finale

Dans ses conditions, il se dégage de ce deuxième tome une impression d’un succès surprenant; si l’époque 1936-1939 révèle une certaine organisation et planification fine des événements ; les premières années de guerre qui se traduiront par un succès militaire démesuré et non contrôlé semblent ne devoir en rien aux stratégies et tactiques mises en œuvre.

De fait, Hitler, pour arriver aux conditions qui lui ont permis ces succès a profondément exploité la capacité industrielle de l’Allemagne, ceci de façon accélérée et bien sûr en privilégiant la course aux armements au détriment du reste et en lançant en guerre un pays exsangue. C’est donc une capacité militaire hors norme qui s’attaque à l’Europe de l’Ouest, et qui s’attaquera ensuite à l’Est pour la rupture du traité avec l’URSS avec l’opération Barbarossa.

L’effondrement de ses positions militaires à l’Est à partir de 1942 se traduira systématiquement par une accusation d’un chef des opérations qui sera alors responsable des décisions inconsistantes prises par Hitler lui-même et le château de carte s’effondrera ainsi jusqu’à son suicide dans le bunker. Comment pouvait-il se croire faillible, lui qui a échappé miraculeusement aux attentats préparés contre lui ce qui ne rendra que plus forte sa conviction d’accomplir un destin tout tracé ?

En parallèle, Kershaw insiste sur la loyauté de l’appareil politique et militaire, élément essentiel; de fait et malgré des décisions prises en dépit de tout bon sens, celles-ci ont été appliquées par un appareil docile pour qui il était peu ou pas envisageable de contester. Une tentative de contestation était écartée ou bien l’imprudent et impudent l’était lui-même. Le fait que l’entourage proche d’Hitler soit au même niveau de fanatisme et d’irréalisme n’y est pas pour rien.

Ce fanatisme prend évidemment toute sa dimension dans l’élaboration et la mise en œuvre de la solution finale. Je ne trouverai jamais les mots pour décrire l’incompréhensible et simplement admettre que des êtres humains puissent exécuter un tel processus.

Kershaw donne donc un éclairage qui s’éloigne de ce que l’on peut apprendre au cours d’un parcours scolaire classique par une analyse très fine du contexte et surtout par un vécu de l’intérieur des phases de succès puis de débâcle après 1942, et le jusqu’auboutisme qui aurait dû conduire à l’anéantissement de l’Allemagne qu’Hitler aurait voulu voir totalement sombrer avec lui.

Juger du style de l’ouvrage est presque sans objet, il s’efface devant le fond, la folie et l’horreur qu’Hitler a générée.

A lire, tout en sachant qu’il faut beaucoup de temps mais que c’est une page essentielle de notre histoire et qu’elle démontre les conséquences les plus extrêmes de la prise du pouvoir par des fanatiques.

A compléter par :
La mort est mon métier (R. Merle)
Des voix sous la cendre (collectif)

A voir : La Chute (d’Olivier Hirschbiegel) qui illustre trop bien l'inhumanité, ses colère, son manque de réalisme et de lucidité.